Lula S. 13/03/2017

Séduite sur internet… et puis violée

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Lula est tombée amoureuse de T. sur internet. Après des échanges à distance, elle l'a rencontré puis fréquenté. Puis il l'a violée.

J’ai rencontré T., 16 ans, sur un forum d’écriture. J’en avais 15. Il avait la plume habile, une verve détonante. Je suis tombée amoureuse, rien d’étonnant. Au début, nous faisions des skypes. Il déclamait des poèmes terribles, des vers labiles, instables. Une sorte de Rimbaud en plastique, en somme. Il avait l’humeur changeante. Son attitude lunatique le faisait entrer dans des crises pathétiques : il me suppliait de lui dire que je ne l’abandonnerais jamais, que nous aurions des enfants et une roseraie. Oui, une roseraie. Quand il ne pleurait pas des larmes de sang, il ne parlait que de sexe ou de poésie.

J’étais une proie idéale

Rapidement, la prose façon Parnasse s’est estompée cédant place à une lubie sexuelle très oppressante. Si nous n’échangions pas quelques conversations très chaudes, même au risque que je me couche tard, il éclatait en mille propos manipulateurs.

J’étais jeune, assez ignorante des choses de l’amour, ma conception de la sexualité était une image aérienne volant à des kilomètres au-dessus de ma tête. Une proie idéale.

Je me forçais à combler ses besoins, n’y prenant aucun plaisir. Dans ma tête, la notion de masturbation n’existait même pas, tout comme la notion de « plaisir sexuel ». Ce qui me retenait de fuir, c’était l’illusion de l’importance qu’il me conférait : j’étais indispensable voire responsable des moindres aléas de son cœur.

Je ne pouvais pas l’abandonner sans craindre qu’il menace de se tuer.

Nous nous sommes rencontrés en face-à-face au bout d’un mois, en septembre. Je me sentais assez sale de me balader avec lui en ville sans pour autant être en capacité de le quitter. La suite des événements est un amas de colères et de frustrations. Il m’appelait « sa petite chose ». T. avait raison. J’étais devenue une chose soumise, privée de sa liberté. Pendant deux mois, j’ai vécu dans une sorte de bulle coupée du reste : mes amis, ma famille… Il était possessif et jaloux. Refusait que je fréquente d’autres garçons. La situation m’échappait totalement.

Mon corps, vide… la tétanie

C’est arrivé fin septembre. Dans un parc public, parce que nous ne pouvions ni aller chez moi ni chez lui. Il avait envie de moi, ne se possédait certainement plus… ou que trop bien.

Il a caressé mes seins. Les a serrés très fort. J’ai voulu lui dire que j’avais mal, mais il a mis sa main sur ma bouche en disant que j’allais apprécier.

Il pensait faire l’acte le plus sexy de la terre, mais il était tranquillement en train de me violer. Pendant que j’étouffais dans les replis de sa main, il m’a doigté sans enlever sa bague. Des gens sont passés, ils ont détourné leurs regards. Mon corps ne répondait plus. Mes deux mains étaient lourdes comme du bitume en été. Je ne comprenais rien et ma tête prenait tellement d’énergie pour assimiler la situation, que mon corps, vide, a sombré dans la tétanie.

Je l’ai quitté, parce que je commençais à me rapprocher de quelqu’un d’autre.

Je n’ai pas porté plainte, parce que je n’ai pas réalisé que j’avais été violée. Déni ? Mauvaise éducation au consentement ?

Je ne sais pas, je ne suis pas allée voir de psychologue même si j’y ai songé. Je n’ai abordé le sujet avec personne par peur de mentir, d’en rajouter, de ne pas assumer ma responsabilité dans l’affaire.

J’ai tiré de la force de mon traumatisme

Je vis avec la peur panique de me retrouver seule avec un homme que je ne connais pas ou peu dans une pièce close.

Pendant longtemps, la plupart des symboles phalliques ou toute représentation associée à une figure masculine puissante me plongeaient dans des angoisses incompréhensibles, pour mon entourage.

Pendant une année et quelques mois, j’ai enchaîné les relations et les mauvaises fréquentations, ne pensant mériter que la médiocrité. Je ne voulais pas m’attacher, donner de l’importance ou de ma personne.

Aujourd’hui j’ai 18 ans, je suis avec un homme, la vingtaine, depuis deux ans. Il m’a aidée à reprendre confiance en moi. Il est resté dans mon silence pendant des heures. Il a assumé les conséquences de cet événement autant que moi.

Mathilde raconte le viol qu’elle a subi à 17 ans par son copain. Les moments d’horreur, et les années qu’il lui a fallu pour en prendre la mesure.

Capture d'écran de l'article "Un viol, c'est ça". L'image d'illustration est l'affiche d'une campagne de prévention des violences sexuelles. Un homme tient une femme au regard fuyant par l'épaule. Il est écrit "It's not sex..."

Le viol ne fait jamais qu’une seule victime. Je lui suis plus que reconnaissante pour toute la patience qu’il m’a accordée.

Je ne pense pas que l’on guérit d’un traumatisme, mais j’ai appris à vivre avec, à en tirer de la force et du courage. J’ai une pensée pour tous ces gens qui ne s’en remettent pas, qui se sentent seuls et isolés. Je pense qu’il faut que la parole se libère et que notre gouvernement mette en place une réelle éducation au consentement et au respect mutuel.

En attendant, internet avec des chaînes YouTube telles que SolangeTeParle, CulPouhiou ou des sites webs comme MadmoiZelle, font beaucoup de bien.

Lula, 18 ans, service civique, Nîmes

Crédit photo Flickr, CC Matteo Ferraresso

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