ZEP 19/04/2014

Faire taire ceux qui nous rabaissent

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Née dans une cité, parents chômeurs... Pour beaucoup, c'était certain : je n'irais pas loin de la vie. Brevet avec mention. Bac avec mention. Aujourd'hui, je suis à la fac, et c'est une grande fierté.

J’me présente : Sémilia. 18 ans. Fille de chômeurs à plein temps. Mes parents ont fait des études mais n’ont jamais travaillé. À eux deux, ils gagnent moins de 800 euros par mois. Tu dois te dire que ma vie n’a pas du être tout l’temps facile. C’est vrai. Mais j’ai des parents en or qui m’ont toujours apportée tout ce dont j’avais besoin. J’suis donc issue de ce qu’on pourrait qualifier de « famille de k-sos », un pur produit de banlieue comme le diraient certains.

« Tes rêves, faut d’l’argent pour ça ! »

J’savais lire avant de rentrer à l’école, j’me suis toujours ennuyée en classe. Alors rapidement, j’ai commencé à faire des conneries. Puis, l’arrivée au collège : t’es la première à foutre le bordel, t’as pas une thune. T’as 17 de moyenne, t’es toujours première partout, mais les profs s’en foutent… De toute façon, tes parents pourront pas payer tes études, alors trop d’profs sont persuadés qu’tu partiras en apprentissage après la 5e. T’as 12-13 ans, mais tu comprends vite que personne sera là pour t’aider à l’école, alors tu sèches les cours, tu fais la grande. Le CPE a dû me répéter des millions de fois que j’aurai même pas le brevet. J’l’ai eu avec mention.

Arrivée au lycée général, j’disais que j’voulais voyager, on m’disait : « Dans tes rêves Sémilia, faut d’l’argent pour ça ! » Puis en première et en term’, j’suis tombée sur un prof qui m’a littéralement sauvée la vie. J’allais plus en cours, mais j’passais mon temps devant le lycée à boire des 8-6 et à fumer des gros joints. Mais ce prof-là m’a fait comprendre, et rien qu’en donnant ses cours de littérature, que tous ces gens qui n’croyaient pas en moi, c’était ma force. J’ai compris que j’allais sortir de ma merde et tout déchirer rien que pour les rendre malades, pour leur prouver qu’ils sont trop cons.

Aujourd’hui j’ai 18 ans, j’suis à la fac, et mon bac, j’l’ai décroché avec mention. C’est déjà une réussite de ouf. Preuve qu’on peut venir de la cité et arriver à faire taire ceux qui nous rabaissent.

 

Sémilia, 18 ans, étudiante, Poitiers

Ilustration Flickr CC Martin Howard

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2 réactions

  1. Merci pour ton article Semilia ! Il est toujours important de montrer et de rappeler que même si on vient d’un milieu très modeste, on peut réussir et fort heureusement ! Cela donne un message d’espoir aux jeunes qui ne croient plus en leur avenir. Mais, ce n’est jamais facile, les inégalités sociales ont un impact sur la réussite éducative. On a tous un bagage culturel différent et c’est d’ailleurs pour ça, que les inégalités peuvent se créer dès le plus jeune âge. On n’a pas tous été éveillé de la même façon. Il est clair que dans la vie, on sera toujours confronté à des obstacles, et c’est à nous de les surmonter. Et des personnes qui ne croient pas en nous, on en croise. Et le fait de pouvoir leur prouver qu’ils ont tort, c’est un défi et une forme de fierté, et c’est ce que vit Semilia.

  2. Oui, clairement, Semilia veut montrer à tous qu’elle peut s’en sortir en venant d’une famille plus que modeste mais j’ai une question: Peut-elle continuer ses études sans forcement devoir « montrer » qu’elle est meilleure que d’autre? Peut-être que certaines personnes sont trop « connes » mais vouloir le leur prouver la ramène au même niveau que ceux-là. Enfin bref, je suis heureux pour cette demoiselle fière de sa ou ses réussites mais qu’elle ne se repose pas sur ses lauriers, elle commence à peine les études supérieures et n’en est qu’au prémisse d’un monde qu’elle pourrait qualifier d’avare.

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