Mathias A. 28/01/2016

C’était sa première séance de cinéma !

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S'occuper d'un enfant, l'accompagner à des activités extrascolaires, lui faire découvrir le cinéma. Mathias, son engagement, ça lui rappelle ses moments avec son père. Des petits gestes aux grandes conséquences.

On m’a dit que j’avais forcément quelque chose à dire, mais que je n’en étais peut-être pas conscient. Je suis persuadé que c’est faux, mais il faut bien que je raconte quelque chose, alors je pourrais peut-être vous parler de ce jour… lorsque j’étais volontaire pendant un an pour m’occuper d’un enfant pendant une année.

Première séance, premiers pop-corn

Ce jour-là, il pleuvait. Quelques minutes avant la séance, je passe des coups de fil nerveux. Au dernier moment, je peux enfin répondre par la positive à la question de ce petit garçon de neuf ans qui se trouve à mes côtés : “Ton ami, il va venir avec nous au cinéma ?” ; “Oui, ne t’inquiète pas, il arrive !” Ce petit garçon, c’est Kandjoura, il a alors neuf ans, il est curieux de tout, et pose parfois une bombe métaphysique sans s’en apercevoir. Mais aujourd’hui, il ne me pose pas de questions sur Hitler, Madoff, ou la raison qui a poussé l’homme à inventer le concept de monnaie. Cette fois, nous allons au cinéma, voir “Les Nouveaux Héros”. Il n’est jamais allé au cinéma. Dans la file d’attente pour acheter nos places, l’attente semble grandissante. “Et si on achetait du pop-corn ? J’adore le pop-corn, pas toi ?” ; tout penaud, il m’explique ne jamais avoir mangé de pop-corn. Nous nous décidons alors à acheter un énorme seau ; il plonge la main dedans, et avale une énorme poignée dégoulinant de caramel ; ses yeux ronds s’illuminent, et il s’écrie : “C’est trop bon le pop-corn !”

Nous sommes rejoints par mon ami et nous nous installons rapidement dans la salle. J’avais peut-être tort, lorsque j’ai pensé qu’un film dont la cible était les enfants d’une dizaine d’années ne me plairait pas. Le héros est un petit garçon intelligent, mais souffrant du manque de son frère, décédé, jusqu’au jour où il retrouve l’un de ses derniers projets ; un robot rondouillard et doux souhaitant soigner les bobos de chacun, Baymax. Ensemble, ils se lancent dans de grandes aventures. Dans la salle obscure, Kandjoura, mon ami et moi sommes littéralement attachés à nos sièges, tandis que le petit garçon se bat contre l’adversité sur le dos du robot désormais volant et rutilant. Il découvre alors l’identité du méchant, qu’il combat avec son ami robot…

A la fin de la séance, Kandjoura sautille dans tous les sens, reproduisant à sa façon tous les moments marquants du film. Nous continuons de dévorer du pop-corn en attendant le bus, en nous concertant pour savoir ce que nous avons le plus apprécié. Rentré chez lui, il s’empresse de raconter tout le film à ses frères et soeurs, en leur donnant ce que nous avons réussi à ne pas manger de pop-corn. Le mois suivant, lorsque je lui rendais ma visite hebdomadaire, il lui arrivait encore de me poser des questions, ou de partager ce qu’il avait aimé de ce film. C’était sa première visite au cinéma, et je ne suis pas mécontent qu’un robot rondouillard et tout à fait mignon l’ait rendue si magique.

Un petit geste, de grandes conséquences

Quand j’étais plus jeune, mon père m’emmenait souvent au cinéma, au fast-food, au restaurant, et c’était devenu quelque chose qui n’avait plus rien d’un événement. C’était juste une activité hebdomadaire. Peut-être l’usage avait-il eu raison de ma curiosité, et toutes ces activités avaient-elles perdu ce qu’elles avaient de magique ? Mais il n’en était rien pour Kandjoura. Parce que ça n’avait rien de commun d’aller au cinéma, de se goinfrer de pop corn, c’était tout bonnement exceptionnel. J’ai été surpris, parce que je ne comprenais pas pourquoi il semblait si excité, si heureux, alors que ce n’était qu’une séance au cinéma. Mais j’avais tort, en réalité, parce que de son point de vue, cette journée était exceptionnelle. A ce moment, j’ai sans doute compris mon pouvoir en tant que bénévole dans une association. Ce qui a toujours été pour moi évident, ce qui m’est facile, peut être exceptionnel pour un enfant qui n’a pas eu la même chance. Un petit geste peut avoir de grandes conséquences. Il n’est pas difficile de révolutionner la journée d’un enfant, et de graver en lui un souvenir sublime.

Mathias, étudiant, Poitiers

Crédit Disney

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6 réactions

  1. […] C’était sa première séance de cinéma ! […]

  2. Ton texte est vraiment super émouvant, j’en ai la larme à l’oeil. C’est dans des moments comme celui-là que l’en sent que notre engagement a du sens (je suis aussi bénévole à l’AFEV). C’est vrai que ça semble rien du tout, mais pour eux c’est énorme des moments comme celui que tu nous as raconté.

  3. Tu es sous ‘nouveau héros’ parfois les choses les plus banales pour nous on un impact énorme sur la vie des autres, à nous de faire en sorte qu’elles aient un impact positif.

  4. Merci pour ta réponse, Dadi !

  5. Je ne suis pas la personne concernée, mais j’ai eu une expérience similaire à celle de Mathias (également à Poitiers) et je pense que c’est l’AFEV ! C’est une association étudiante où les bénévoles mène des actions contre les inégalités dans les quartiers populaires, il y en a dans toutes les villes étudiantes.

  6. Salut !
    J’ai trouvé ton article très émouvant ! Pour info, si ce n’est pas indiscret, pour quelle association travaille tu ? C’est vraiment le genre de choses que j’aimerais faire d’emmener un enfant au cinéma pour la 1ère fois!

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