Fatma B. 06/03/2020

4/4 Dyslexique, je le cache au travail

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Pour décrocher son poste, Fatma a caché sa dyslexie. Aujourd'hui, elle a peur qu'on découvre sa maladie et que ça lui porte préjudice.

Après m’être battue contre ma dyslexie jusqu’à décrocher mon master, je me demande aujourd’hui si je dois parler de mon trouble à mon employeur. J’ai une importante dyslexie-dysorthographie, un trouble de l’apprentissage de la lecture et de l’orthographe.

Durant ma scolarité, j’ai pu compter sur le soutien des équipes pédagogiques et de mes proches. Mes professeurs avaient l’interdiction de me pénaliser, connaissant mes troubles. J’avais un tiers-temps qui me permettait de mettre en pratique les techniques travaillées avec mon orthophoniste et de me concentrer sur le fond. L’école était un endroit où je me sentais en confiance.

J’ai décidé très tôt que je voulais faire de longues études. Donc je savais que je devais travailler beaucoup plus que les autres pour y arriver. Je travaillais très tard et me levais à 6 heures du matin au moins trois fois par semaine pour continuer à réviser avant d’aller en cours.

Dois-je dire que je suis dyslexique à un employeur ?

J’ai beaucoup progressé et réussi à entrer à l’université. Pour autant, être dyslexique m’oblige à avoir une très grande rigueur quotidienne. Chaque jour, je dois travailler ma lecture au risque que mes difficultés s’aggravent au bout d’une semaine. Et je m’interdis de me coucher tard, sinon je fais beaucoup plus de fautes le lendemain et j’oublie l’orthographe de certains mots.

Aujourd’hui, je suis diplômée d’un master 2 en économie de l’environnement, mais je me retrouve face à une nouvelle question : dois-je parler de mes difficultés à un employeur ? Écrire un mail avec des fautes peut être un motif de non-embauche. À chaque fois que je le fais, j’ai peur à l’idée qu’on puisse émettre un jugement sur des fautes qui m’ont échappé après ma dixième relecture.

Avant de candidater à mon premier poste, comme à chaque fois, j’ai demandé à mes proches de vérifier si le mail, mon CV et ma lettre de motivation ne comportaient pas de fautes. L’entretien d’embauche s’est ensuite très bien passé. J’ai répondu sans difficulté aux exigences du poste. Mais pour mettre toutes les chances de mon côté, j’ai choisi de ne pas dire que j’étais dyslexique.

J’ai peur de lire à haute voix en réunion

J’ai eu la bonne surprise d’avoir été embauchée, mais cela a très vite laissé place au stress de cacher ma dyslexie. Le temps aménagé et l’accompagnement dont je bénéficiais pendant mes études ont disparu une fois arrivée dans le monde professionnel. Et je me sens seule.

Je travaille au service responsabilité sociétale des entreprises (RSE) d’une grande entreprise et ça me plaît. Ce poste consiste à évaluer puis réduire l’impact négatif de l’activité de l’entreprise sur l’environnement. L ’écriture n’est pas une partie importante de mon travail, mais elle peut quand même l’affecter. Je suis notamment en contact avec beaucoup de responsables de différents services de l’entreprise, et le plus souvent par mail.

Lors des réunions, j’ai pris l’habitude d’écrire sur un carnet pour pouvoir cacher ce que j’écris avec ma main. Je ne peux pas le faire avec un ordinateur, alors même que la prise de note serait plus efficace. Ma plus grande peur est qu’on me demande de lire à voix haute lors d’une réunion et de me retrouver dans la même situation de stress qu’à l’école quand mes professeurs pouvaient me dire : « Ça ne va pas du tout, arrête ! »

Rien n’est mis en place pour m’aider dans l’entreprise

Cette situation est pesante au quotidien. Elle me donne le sentiment que, malgré mes progrès et mes réussites scolaires, je dois encore et toujours me battre. Je dirais même que la situation est encore plus difficile que lors de mes études car rien n’est mis en place pour m’aider dans l’entreprise. Je suis sûrement plus sensible que la moyenne à ce sujet, mais j’ai également l’impression que la société est très exigeante.

Série 1/4 – Très peu de personnes connaissent le TDAH (trouble de l’attention avec hyperactivité) dont souffre Louis. Il peine donc à se faire embaucher, malgré ses démarches.

Un garçon assis sur une chaise renversée au sol, les yeux fermés, bras écartés. Au dessus de sa tête on aperçoit des lettres dans le désordre, une main qui tient un poids de musculation, des masques de théâtre en bas à droite de l'image.

Je sais que je ne suis pas la seule à vivre cette situation. J’aimerais que ce sujet soit abordé librement en entreprise sans que cela ne remette en question les compétences d’une personne dyslexique. Je voudrais pouvoir écrire dans ma signature de mail « il est possible qu’il reste des fautes dues à ma dyslexie et je m’en excuse », et faire appel à la bienveillance de mes interlocuteurs. À l’avenir, je souhaiterais en parler à mon futur employeur et commencer un nouveau travail sur des bases saines.

Fatma, 24 ans, volontaire en service civique (ex-salariée), Plessis-Robinson

Illustration © Merieme Mesfioui (@durga.maya)

 

Déconstruire les préjugés sur la dyslexie

La dyslexie est très répandue

24% des Français·e·s souffrent de troubles de l’apprentissage. Dans le monde, ce sont 8 à 12% de la population mondiale qui sont «  dys  » : dyslexiques, dysorthographiques, dyscalculiques

La dyslexie n’est pas une maladie

Elle est ressentie comme telle parce qu’elle n’est pas correctement accueillie dans la société. En réalité, c’est simplement une logique d’apprentissage et de réflexion différente de la norme enseignée à l’école, principalement dûe à une répartition des neurones différente.

Parlons plutôt d’ambilexie

Le terme « dyslexie » induit l’idée que cette particularité est un dysfonctionnement et qu’il faudrait la corriger. Utiliser le terme « ambilexie » c’est accepter le fait qu’il puisse y avoir plusieurs manières de réfléchir, et que la logique des ambilexes est aussi valable que les autres.

 

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9 réactions

  1. Je compathie, j’ai 52 ans et diagnostiquée dys à l’age de 7 ans. Dans le monde du travail, j’ai toujours réussie à cacher ma dyslexie. Aujourd’hui ou le monde du travail demande une concentration maximale je me heurte à un mur car je viens de changer de société. Mon problème principal c’est le manque de mémoire (je sais qu’avec l’age cela ne s’arrangera pas) et il n’y a aucunes procédures écrites dans le service où je travailles. Je travaille dans un openspace et cela arrive que plusieurs personnes me donnent des informations orales en même temps et donc cela m’arrive d’oublier des choses. Mes collègues me reprochent de poser deux fois la même question… Etant en période d’essai j’ai peur d’en parler à mes collègues ainsi qu’à mon employeur de peur de perdre mon emploi. Et je suis d’accord avec vous : une journée de travail est extrèmement épuisante pour les dyslexiques. Bon courrage à vous.

  2. Bonjour Fatma,
    Je suis dsylexique aussi, je te comprends. J’ai réussi un concours ou j’ai fini premier en interne, dans la fonction publique. Et j’ai commencé au premier décembre. Depuis j’ai l’impression d’être un escroc. Je sais parfaitement que je vais me casser les dents. Comment réussir un concours, et pense de je n’ai aucune légitimité pour le poste ?

  3. Je suis dyslexique depuis mon enfance
    C’est durr et horrible toujour la dernière avant de sortir où faire ces devoirs 3 à 5plus les autres
    J’ai Obtention du collège et du lycée Obtention le CAP Maintenance hygiène des locaux j’étais superbe content de l’avoir une prouver que j’étais capable de réussir après j’ai fait un BEP Métiers d’hygiène et Propreté des locaux mais la j’ai ne pas une j’étais dégoûté
    Et maintenant je recherche du travail c’est pas facile du tout pour CV sa va mais la lettre de motivation Il ne faut pas d’erreur et pleins d’autres choses difficile et stress
    C’est compliqué des moments Mais faut faire avec continuer à en vouloir à travailler encore plus de missions

  4. Dès le premier jour je l ai dis a mon employeur que j étais atteint de troubles dys. En général au travail ça se passe bien. Mais par moment j ai l impression qu elle ne me confie pas certaines tâches car  » elle ne sait pas si je peux le faire » j aimerai bien qu elle me demande avant de surcharger les collègues de travaille. Je trouves ça dommage de me mettre à l écart alors qu il faut juste me demander si je me sens capable de réaliser cette tâche.

  5. Mince, j’ai fais de la poésie de Dys…

    Mes professeurs me disais que « nous nous reverrions l’année prochaine ». Mais la rêverie est sympas non ?

    Si les modérateurs veulent me corriger. Milles merci.

  6. Bonjour Fatma, plus de 15 ans que je travaille. Comme vous j’ai toujours caché ma dyslexie… J’ai toujours eu l’habitude de compenser, en prenant le temps de me relire, en privilégiant l’orale et aussi en m’aidant de logiciel ou encore en demandant à ma femme de me relire. Je me reconnais bien dans votre passage sur le carnet pour prendre des notes, très utile car je couple avec un petit déficits de l’attention.

    Je sais à quel point cela et fatiguant, stressant au quotidien.

    Vous avez certainement du croiser ces personnes qui se permettent de nous pourrir en réunions pour avoir laisser une faute sur un slide, vous coupant la parole en plein milieu de la présentation… Ces personnes sont une bénédiction pour booster la confiance en soi.

    Passé la quarantaine j’ai profité d’un changement dans ma carrière pour finalement le dire. Cela n’était pas prévu mais la situation sanitaire et le télétravail m’a propulsé dans de la communication avec le reste de mes collaborateurs presque uniquement par l’écrit. Le cauchemar pour un Dys.

    Je ne pouvais plus prendre le temps de me relire, et après une remarque devant toutes l’entreprise pendant un événement interne en ligne, j’ai finalement crevé l’abcès car je savais que je passais pour l’idiot du village.

    Je sais aujourd’hui que j’ai bien fait. Après avoir discuté ouvertement et répondu aux interrogations avec quelques collaborateurs (j’ai découvert que beaucoup d’enfants de mes collaborateurs sont Dys), Je n’ai plus de remarques, je sens que les personnes sont bienveillantes, et surtout ce n’est plus un sujet dans mon travail au quotidien.

    Je pense que vous devriez le dire également, travailler trop longtemps en essayant de cacher une dyslexie doit forcément avoir un impact sur la santé physique et mental. Le physique je ne peux pas en témoigner aujourd’hui mais je sais que le mental en à pris un coup.

    Fatima dans les jours de moins bien, n’oubliez jamais ce que vous avez accompli dans vos études, n’oubliez jamais que vous avez été capable de compenser avec un travail acharné, vous levant tôt le matin pour reviser.

    Obtenir un diplôme alors que l’on est en difficulté est un véritable combat qui doit être célébré.

    J’ai obtenu mon bac en travaillant dure alors que la majorité de mes professeurs m’affirmaient que « de toute façon nous nous rêverions l’année prochaine » ou que « cela était impossible ».

    Fatima n’oubliez jamais que vous êtes géniale et que vous faite preuve de grandes qualités !

  7. Merci pour ce témoignage, moi même dyslexique. J’ai réussi à le cacher mais à quelle prix, stress et fatigue tout les jours.
    J’utilise à présent un logiciel de synthèse vocale ça a changé ma vie.
    Courage à toi

  8. Beau témoignage sur un sujet complexe. Je vous souhaite un bon courage et que la parole puisse se libérer.

  9. C’est dommage que tu ne soit pas reconnue comme travailleuse handicapée, cela pourrait t’aider.

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