Justine D. 06/10/2020

Au travail, je « perturbe » les hommes

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Après avoir échoué au bac, j’ai postulé en tant que préparatrice de commandes. Le travail d’entrepôt, ça me plaisait, mais le sexisme ça ne passait pas...

J’avais envie de rentrer dans la vie professionnelle pour gagner mon argent et être indépendante. Car j’avais besoin d’aider mes parents. Je me suis dit que j’allais mettre de l’argent de côté pour pouvoir me prendre ma première voiture et assumer toutes mes dépenses. Voilà comment j’ai commencé à travailler en tant que préparatrice de commandes. Un métier qui consiste à prélever et rassembler les articles dans des quantités précises avant de les envoyer. Un métier d’hommes.

J’ai passé mon bac STMG (sciences et technologies du management et de la gestion) à deux reprises et je ne l’ai pas obtenu. J’ai eu mon premier emploi en CDD dans un entrepôt. Je préparais les commandes à l’aide d’une tablette et d’un lecteur pour scanner tous les articles réunis dans les rayons de l’entrepôt. 

Par la suite, je me suis inscrite en intérim. J’ai passé mon Caces 1, un diplôme pour manipuler les chariots élévateurs. J’ai continué en tant que préparatrice de commandes dans différents entrepôts. J’étais novice dans ce métier. Je ne savais pas comment ça allait se passer mais j’ai vraiment aimé ce job : j’avais un Smic, des horaires décalés et donc mes après-midi libres quand j’étais du matin. 

J’ai montré qu’une femme peut travailler dans une entreprise d’hommes

C’était très bien pour un début mais, être préparatrice de commandes, ce n’est pas un métier facile. Il faut faire beaucoup de marche dans l’entrepôt, adapter sa posture pour ne pas se faire mal au dos en portant des caisses et des cartons lourds. Donc faire ce métier toute ma vie, ce n’était pas envisageable pour moi. 

Dans cet épisode d’Un podcast à soi, Charlotte Bienaimé s’attaque au sexisme au travail. Des entreprises du CAC 40 aux bureaux de la Défense, des femmes témoignent du sexisme ordinaire qu’elles subissent au quotidien.

 

Et je ne m’attendais pas à ce que, dans ce métier, il y ait beaucoup plus d’hommes que de femmes. Je me suis sentie regardée, mais j’ai pu montrer qu’une femme peut travailler dans une entreprise bien qu’étant en minorité. J’ai remarqué qu’il y avait des hommes gentils, mais pour certains, une femme n’avait pas sa place dans un entrepôt. 

Le contrat de mon copain a été renouvelé, pas le mien

Quand j’ai rencontré mon copain actuel à l’entrepôt, un salarié nous a vus nous embrasser. À la fin de mon contrat, mon responsable a décidé de ne pas le renouveler mais a renouvelé mon copain ! Il m’a dit que mes chiffres dans l’entrepôt n’étaient pas bons alors qu’en comparant de mon côté, ils étaient les mêmes que ceux de mon copain. En entendant certaines rumeurs comme quoi je serais une perturbatrice vis-à-vis des garçons, j’ai vite compris que la vraie raison c’était bien ce fameux bisou.

Je n’ai jamais souhaité que mon copain soit viré également mais j’ai trouvé la décision injuste. D’après moi, si les choses avaient été impartiales, nous aurions dû être virés tous les deux. Et, dans tous les cas, la véritable raison de l’arrêt de mon contrat aurait dû être honnête. Je l’aurais sans doute mieux compris.

Comme si cette histoire de bisou avait fait la une du journal de l’entrepôt

Quelques mois plus tard, en étant intérimaire, j’ai pu rentrer de nouveau dans cet entrepôt. Mais quand j’ai repris, à cause de cette histoire, on m’a changée de secteur pour ne pas être avec mon copain. On aurait dit que cette histoire de bisou avait fait la une du journal de l’entrepôt ! J’ai senti que le malaise était encore présent. J’avais même l’impression d’être observée : entre ceux qui me lançaient des regards quand j’allais aux toilettes en pensant que j’allais retrouver mon copain et ceux qui faisaient des messes basses pendant les pauses.

Toute cette expérience, je l’ai ressentie comme du sexisme de la part de mon employeur. Après cela, il n’y a eu aucune bienveillance venant des salariés de l’entrepôt. Je pensais que certains étaient devenus de bons collègues et qu’au moins ils n’allaient pas participer à tout ça.

En voyant les bulletins de salaire de son copain, Inès a vu ses idéaux féministes s’effondrer. Elle qui voulait tant gagner plus que lui, le sexisme l’a rattrapée.

Aujourd’hui, je suis devenue plus forte mentalement, j’ai décidé de ne plus prendre les jobs les plus accessibles mais plutôt de trouver ma voie, celle qui me correspond. Pour moi, c’est la vente dans le prêt-à-porter et dans le cosmétique. J’aime conseiller et vendre à des clients, je suis souriante et c’est pour ça que ce métier me convient !

 

Justine, 22 ans, en formation, Marseille

Crédit photo Unsplash // CC Sikai Gu

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