Claudia M. 22/03/2018

En découvrant un camp de migrants, je me souviens de ma mère

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Mon père est photographe. À l’occasion d’un projet sur la migration, il m’a emmenée dans un camp de migrants à Saint-Denis… Une visite qui me ramène à ma propre histoire familiale.

Dès mon arrivée, j’ai senti cette atmosphère étrange qui accompagne l’instabilité d’un endroit de passage, un endroit rempli de visages assombris par un espoir insatisfait. A cause d’un problème d’autorisations, nous n’avons pas pu prendre les images, mais nous avons visité le camp. On a pu discuter avec quelques personnes pour savoir d’où ils venaient. Mais beaucoup ne parlaient ni français, ni anglais.

Dans ce camp qui ne regroupe que des hommes, la plupart du personnel d’aide est aussi masculin. Je suis la seule jeune fille et mon arrivée a été remarquée. Ils me dévisageaient, cherchaient mon regard comme pour y trouver quelque chose, certains me complimentaient d’un français hésitant et balbutié.

Ils venaient de différents pays d’Afrique. Ils avaient entre 15 et 40 ans et avaient fait une route difficile. Ils se disputaient pour des questions ethniques ou religieuses. On nous a même raconté que certains se battaient et se poignardaient malgré les règlements stricts, utilisant ferrailles et rasoirs jetables pour régler leurs comptes. Beaucoup voulaient travailler, mais il faut un statut de réfugié que tous n’avaient pas.

La visite de ce camp de migrants m’a remémoré les récits de ma mère sur son passé, la venue en France de sa famille maternelle depuis la Kabylie et son enfance marquée par la précarité. Quand elle dormait à l’abri, c’était souvent chez des vendeurs de sommeil. Des propriétaires d’appartements miteux et insalubres qui louent à des prix injustes pour ce qu’ils proposent, mais permettent de ne pas être à la rue. Ma mère a donc très vite travaillé après son bac pro. Elle vivait dans des logements étudiants et travaillait pour payer ses études supérieures.

Les préjugés qui accompagnent l’étranger et la difficulté à s’insérer dans une culture qui ne fait pas totalement partie de nous est une épreuve que vivent beaucoup de réfugiés en venant en France. Mon père revient souvent chamboulé de ses ateliers photo. Ils nous racontent avec effroi la situation de ces hommes qu’il rencontre et aimerait aider, ému par leurs efforts et leurs parcours qui, dans notre famille, ne nous sont pas étrangers.

 

Claudia, 15 ans, lycéenne, Paris

Crédit photo Flickr // CC Jeanne Menjoulet

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