Célia C. 21/06/2018

Entre mon quartier et le quartier voisin, c’est la guerre

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Entre mon quartier et le quartier voisin, il y a une vraie frontière. Si ça va un peu mieux aujourd'hui, j'ai longtemps fait des détours pour ne pas risquer d'y passer et de me faire insulter ou frapper...

Depuis que j’ai 8 ans, je vis à Porte d’Asnières (PDA). Un quartier dans le 17ème arrondissement de Paris, à 8 minutes à pied des Champs-Elysées. Un quartier dans lequel il y a un peu de tout : des résidences privées et des HLM. Moi, j’habite dans un appartement de HLM, avec de la moquette dans la cage d’escalier. Dans mon appart’, on est sept à habiter : ma mère, mon beau-père, mes deux sœurs, mes deux frères et moi.

Quand j’étais petite, je descendais faire du vélo au parc des Hauts de Malsherbes. Je me souviens que c’était la bonne ambiance. Tout le monde étaient copains. J’allais à l’école Marguerite Long. À ce moment-là, je n’avais pas encore réalisé qu’il y avait des embrouilles qui impliquaient tout le quartier.

En fait, PDA est un quartier en guerre contre Porte de Saint-Ouen (PSO) qui se trouve pas loin, dans le 17e arrondissement aussi. Les grands en parlaient à la cité. Il y avait des vidéos qui circulaient sur Facebook. Des gars du quartier adverse qui couraient parce qu’ils se faisaient courser par les gars de notre quartier.

Le mec n’a pas hésité à la planter avec un couteau

C’est au collège que j’ai compris que c’était sérieux. J’allais à Boris Vian, un collège de mon quartier. Évidemment, je ne pouvais aller nulle part ailleurs ! Un jour, des gars de PSO sont venus à la sortie de notre collège pour taper les gars de mon quartier. J’étais posée devant le collège. Je les ai vus arriver à dix ou quinze. Ils cherchaient à se venger parce que des mecs de mon quartier avaient frappé d’autres de leur quartier quelques jours plus tôt.

Moi je m’en foutais parce que c’était des embrouilles entre mecs. Je pensais que ça ne nous concernait pas, nous les filles. Jusqu’à il y a trois ans, quand des gars de PSO ont planté une pote à moi parce qu’elle était passée dans leur quartier. Un gars lui a parlé et comme elle lui a mal répondu, le mec n’a pas hésité à la planter avec un couteau dans le ventre. Elle a fini à l’hôpital, ils ont dû la recoudre.

À ce moment-là, j’ai compris qu’ils ne faisaient pas de distinctions entre les meufs et les mecs. Avant, si ma mère m’envoyait acheter un truc à PSO, j’y allais sans hésiter. Après ça, j’évitais d’y mettre les pieds. J’y allais vraiment que si je n’avais pas le choix. Il y a un an jour pour jour, je suis passée par leur quartier pour ne pas avoir à faire de détour. C’était la nuit,  trois gars se sont approchés de moi. Ils savaient que j’habitais à PDA. Ils ne m’ont pas frappée mais m’ont insultée. Je les ai insultés en retour et je suis partie. J’avais la haine parce que comme c’était des garçons, je ne pouvais pas me battre contre eux.

Je trouve que ces embrouilles sont bêtes. Ça ne sert à rien de se battre pour des histoires de territoire. Cette guerre a même conduit un mec de PSO à être dans le coma. Mais bon, ça dure depuis dix ans, on ne sait même plus entre nous de quoi c’est parti tellement ça fait longtemps. Grâce à des associations de mères des deux quartiers, les embrouilles sont en train de se calmer. On n’est pas non plus amis avec le quartier adverse, mais c’est un peu la trêve quoi. Du coup maintenant, j’ai plus besoin de faire de détours pour rentrer chez moi.

 

Célia, 17 ans, lycéenne, Paris

Crédit photo La colle (film 2017) / © Nicolas Schul

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1 réaction

  1. Tu devrais lire « La guerre des boutons » de Louis Pergaud. Bon, il faut un peu s’accrocher quand on n’est pas bon lecteur, parce que ça a été écrit à l’époque de nos arrières grands-parents (avant la 1ère guerre mondiale) et donc les enfants ont un langage ancien, mais c’est faisable ^^ (et il y beaucoup de gros mots donc c’est assez drôle). Comme quoi, certaines choses sont toujours d’actualité. Même si j’admets que la guerre des boutons est plus « léger » que ce que tu racontes là.

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