Agathe B. 29/11/2018

Harcelée au collège, j’ose enfin en parler

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Harcelée au collège, j'ai trouvé la force d'en sortir en atteignant l'objectif que je m'étais fixé : entrer dans la gendarmerie.

C’est la première fois que j’expose mon expérience, que je me mets à nue. J’ai grandi en portant ce lourd passé. Après avoir vécu une telle expérience, on peine à retrouver confiance en soi, à retrouver un juste équilibre dans l’expression de nos sentiments. Le harcèlement scolaire conditionne et détruit.

Nouvelle venue dans un collège, dans une nouvelle classe, ne connaître personne alors que tout le monde se connaît, n’est jamais simple. En quatrième, une personne, un seul garçon, me harcelait. C’était le genre de personne qui voulait qu’on le voie comme un chef : il entraînait avec lui le reste de « sa bande ». Tout le monde le suivait et personne n’osait rien dire. Il n’aurait fallu en aucun cas contredire « le maître ».

Être différent : une force

J’ai changé de collège. Je me disais que rencontrer de nouvelles personnes pourrait m’aider à m’ouvrir aux autres. Ça a été tout le contraire : je me suis renfermée sur moi-même et je ne laissais personne entrer dans mon espace. Je me sentais exclue, seule, différente des autres, différente physiquement et mentalement. J’étais mise de côté à cause de mon physique, de mes vêtements. Je ne rentrais pas dans leur moule.

C’est à ce moment-là que j’ai commencé à avoir des pensées sombres, si sombres que je ne voyais plus la lumière au bout du tunnel. Je n’en parlais à personne. Mes parents n’étaient pas au courant et ne le sont toujours pas : je le gardais dans mon jardin secret. À l’heure actuelle, j’ai encore du mal à expliquer ce silence. Peut-être qu’en ne racontant rien de mon calvaire à mes proches, je ne voulais pas que quelqu’un s’inquiète pour moi, et je crois que ce sentiment demeure aujourd’hui.

Être soi-même à cette époque portait préjudice : il fallait ressembler aux autres et ne pas simplement être soi. Le calvaire quotidien de retourner en cours était insoutenable pour une jeune fille de mon âge. On connait tous ce sentiment de boule dans le ventre ; c’était un stress continuel.

Je suis devenue plus forte

Je ne veux plus avoir à revivre ce genre de sentiments qui, au fond, m’ont détruite et qui, aujourd’hui, me ralentissent dans ma reconstruction. Après avoir vécu une telle expérience, on a du mal à retrouver la confiance perdue. On se demande chaque jour si nos choix sont justifiés, si quelqu’un ne va pas les juger. Ce sentiment me ronge et j’ai du mal à m’en débarrasser. Mais je refais peu à peu surface, je sors lentement la tête de l’eau. C’est une lente reconstruction qui s’opère depuis quelques années.

J’ai repris le dessus sur mon passé à la fois atypique et semblable à tellement d’autres. Je suis moins timide et plus avenante – avant, j’étais vulnérable et influençable. C’est ce harcèlement scolaire qui a forgé ce caractère qui m’est propre. C’est en accomplissant nos rêves que l’on regagne cette confiance perdue.

Je me suis fixé des objectifs, je voulais atteindre un but dans ma vie et je me suis donné les moyens pour y arriver. Je m’étais fixé comme objectif d’intégrer la gendarmerie, je me suis donné les moyens et me voici actuellement réserviste de la gendarmerie. Je pense avoir trouvé la clé de mon épanouissement.

Je remercie mes harceleurs, c’est grâce à eux, ou en partie à cause d’eux, que je suis devenue plus forte, plus caractérielle. C’est grâce à cette force que j’ose de nouvelles choses et que je vois le monde qui m’entoure d’une manière différente.

Cette expérience m’a appris qu’il ne faut jamais garder ces choses-là pour soi, parlez-en autour de vous. Toujours croire en soi et en ses rêves, toujours rester soi-même, la différence est une force. Ne jamais laisser croire aux autres que c’est à eux de décider de votre vie à votre place.

 

Agathe, 20 ans, étudiante, Paris

Crédit photo U.S. Air Force graphic // © Staff Sgt. Jamal D. Sutter

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