Joffrey N. 24/09/2019

Ici, les contrôles de police c’est gazeuses et flash-ball

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À Nanterre, les policiers me contrôlent depuis mes 14 ans. Mais une fois au lycée, ces contrôles sont devenus violents, sans raison. Et nous, on dit rien.

À mon retour de vacances en août, chaque soir, je rejoignais mes potes d’enfance dans un square près de chez moi dans un quartier à Nanterre. On s’y retrouvait souvent pour passer du bon temps.

Un soir, nous étions six, on rigolait et on mangeait des friandises. Il faisait nuit et l’endroit était vide, jusqu’au moment où la police est arrivée en voiture. Un Scénic marqué « Police ». Ils nous ont interpellés, mes amis et moi, pour rien. Ils nous ont posé des questions : « Savez-vous qui nous sommes ? Bande de petits cons ! » Ce contrôle d’identité ressemblait plus à de la provocation qu’à un contrôle.

Ces policiers se sont approchés de nous et ont commencé à être violents. Ils nous ont bousculés. Ils se sont présentés devant nous à quatre, avec des flash-ball et des gazeuses. Imposants, agressifs, ils nous ont insultés pour un rien : « Bande de sales merdes », « Sales enculés ». Nous étions obligés de leur répondre par des insultes : « Bande de merdes », « Sans votre tenue vous êtes rien ». Puis, ils se sont servis de leur gazeuse pour nous gazer et sont partis. Le liquide m’a touché au visage et une douleur très forte est apparue, comme si on me mettait des cendres sur le visage et cette douleur ne cessait d’augmenter. Les yeux fermés, je ne voyais plus rien, c’était le noir complet. J’entendais seulement des petits cris de rage et de douleur de mes amis et une odeur de poivre me brûlait le nez.

Après le départ des policiers, un pote qui avait assisté à la scène depuis le balcon nous a descendu du lait. Nous avons mis du lait sur nos visages pour calmer la douleur et les effets de la gazeuse, puis nous avons changé d’endroit par peur d’un retour de ces policiers avec des renforts. Je les ai recroisés dans le quartier, mais rarement, car ils font partie de la brigade de nuit. Ils ne nous calculent pas, ils passent comme si rien ne s’était jamais passé.

Quand j’avais 14 ans, la police n’était pas agressive

Ces scènes sont assez fréquentes quand il s’agit de jeunes de cités, surtout dans mon quartier. Ce n’est pas la première fois que ce genre de contrôle m’arrive. Ça a débuté lors de ma première année de lycée et ça a eu lieu quatre à cinq fois.

Plus jeune, à l’âge de 14 ans, j’avais déjà fait face à des contrôles qui, eux, n’avaient pas mal tourné. La police nous contrôlait et n’était pas agressive, voire même assez cool. Le contrôle ne durait pas très longtemps. Selon moi, c’est dû à la différence d’âge des individus qui le subissent : à 14 ans, les policiers se sentent en supériorité et sont en confiance. À partir de 16, 17 ans, la police se méfie et devient agressive.

Basile se souvient de sa toute première interpellation. Il avait 12 ans et rien à se reprocher.

Cet acte m’a fait comprendre que l’abus de pouvoir est réel à partir d’un certain âge et que tu n’es jamais en sécurité. Ce sont ceux qui doivent te protéger qui sont les plus dangereux et qui menacent ta vie. L’incident dont nous avons été victimes n’a jamais pu être dévoilé car c’est quasiment normal dans la cité. Il faut lutter et se battre contre ces abus de pouvoir et toutes les bavures policières de ce genre, dont on ne parle pas. Il faudrait essayer de participer à des associations. Je ne me suis jamais engagé à lutter contre ça, mais le fait d’écrire cet article est, pour moi, une forme de dénonciation de ces actes.

 

Joffrey, 18 ans, étudiant, Nanterre

Crédit photo Unsplash // CC Jaroslav Devia

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