Fatou C. 29/03/2018

J’ai fini par accepter mon épilepsie… Les autres aussi !

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La maladie est déjà une vraie galère. Alors quand, au collège, je fais des crises d'épilepsie en classe, ça devient terrible ! Heureusement, j'ai des super copines pour m'aider...

À 15 ans seulement, j’en ai vécu des choses ! Mais une chose me marquera à vie : ma maladie. À 3 ans, on m’a détecté l’épilepsie. Ce jour-là, je jouais avec ma sœur et j’ai eu une perte d’attention. Elle est partie voir mon autre sœur et lui a dit : « Fatou est bizarre, elle me répond pas quand je lui parle, va voir ! ». Elle m’a regardée, j’étais en train de jouer, alors elle ne l’a pas crue. Mes parents m’ont quand même observée avec un peu plus d’attention pendant quelques jours. Ils ont remarqué que parfois, ils me parlaient, prononçaient mon prénom des dizaines de fois et que je ne leur répondais qu’au bout d’un certain temps.

Alors, ils m’ont amenée voir mon médecin traitant. À l’hôpital, les médecins m’ont fait passer un paquet de tests. D’après ma mère, je suis restée deux jours, avec des tests sans arrêt. Premiers symptômes : perte de mémoire, perte d’attention. Les médecins ont annoncé la mauvais nouvelle aux parents. J’imagine leurs regards navrés. Puis, j’ai grandi et les rendez-vous sont devenus réguliers, les ordonnances répétitives.

Dès la primaire, j’ai commence à m’endormir beaucoup en classe, j’avais du mal à me concentrer, à faire mes devoirs. La maîtresse l’a remarqué. Je ratais beaucoup l’école, en disant juste que j’avais des rendez-vous chez le médecin. Cinq ou six fois par mois. À cause de ça, j’ai redoublé le CE2. Vers le CM1, j’ai commencé à avoir des crises de nerfs : j’étais inconsciente, mais j’avais l’air présente et quand je reprenais mes esprits, j’étais en engueulade avec quelqu’un je ne savais pas pourquoi. C’est à partir de là que j’ai commencé à réfléchir à tout ça, à l’impact que ça avait sur moi.

Je ne l’avais dit à personne. Seule ma famille était au courant. J’avais peur d’être rejetée par mes amis si je leur disais. Jusqu’en CM2, où j’ai fait ma toute première crise d’épilepsie en classe, en pleine dictée. J’ai eu une absence pendant trois – quatre minutes, en gigotant dans tous les sens. Je me suis réveillée avec les pompiers, sur le canapé de la classe. Puis total black-out. Je me suis réveillée dans une chambre d’hôpital. À ce moment-là, je me fichais de mon état, je me demandais juste : « Qu’est-ce que mes amis vont penser de moi ? »

Impossible de le cacher plus longtemps

Trois jours plus tard, j’ai fait mon come-back et on m’a posé des tonnes de questions. Ça avait tourné dans l’école que j’étais tombée à la renverse, que j’étais pas bien dans ma tête. Entre-temps, les profs avaient dit à tout le monde que ce que j’avais, c’était l’épilepsie. Alors quand on s’est rangés : « Est-ce que tu savais ? Pourquoi ça t’est arrivé ? »

Je me sentais non seulement oppressée, mais solitaire. J’ai ressenti de l’abandon de la part de chacun d’entre eux. Je me suis mise à l’écart des autres, sans qu’ils comprennent, car avant, j’étais plutôt avenante à l’école.

La Cinquième : ma pire année scolaire ! Mon rythme était bouleversé, cycle du sommeil désorienté à cause des médicaments, insomnies, je devais faire mes devoirs en pleine nuit. Six crises en deux mois dont trois au collège. Augmentation des médicaments, une sorte de cercle vicieux : Crise – trou noir – urgences – retour avec sourire l’air de rien – tonnes de questions – réponses avec gêne pour m’en débarrasser au plus vite.

Imane a eu un cancer. Après son hospitalisation, de retour au lycée, elle a subi les regards, les remarques, l’abandon de ses camarades. Alors la fac pour elle, c’est une libération !

Ma mère qui voyage beaucoup en Afrique a tenté de me ramener des milliers de médicaments pour que je guérisse. J’acceptais de tous les prendre. Plantes, gélules ou infusions. Je me disais que ça ne marcherait pas, mais je le faisais pour lui donner de l’espoir et lui faire plaisir.

En Quatrième, changement radical : nouvelle classe, nouveaux repères, nouvelles amies. Des filles en or. Si je devais les décrire en une phrase, je dirais « des je-m’en-foutistes ». Elles ne m’ont jamais jugée sur ce que j’avais, mais sur qui j’étais. Elles s’en fichent de ma maladie tant que je suis avec elles, à rire et à profiter de la vie. Le reste elles en font abstraction, et m’ont appris à prendre du recul, à aller au-delà du regard des autres. J’ai appris avec elles à prendre la vie comme elle est, à l’aimer. Alors, je me suis dit j’en profite, je souris et j’accepte la vie.

 

Fatou, 15 ans, lycéenne, Paris

Crédit photo U.S. Army // © Jhi Scott, ARL Public Affairs

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2 réactions

  1. Bonjour Fatou. J’ai découvert tout récemment ce magazine ZEP (en fait je l’ai découvert il y a une semaine) et je dois dire mon admiration pour la maturité et l’intelligence des textes que j’y ai lus jusqu’à présent. Si je m’adresse à toi en particulier (en espérant que ce texte te tombera sous les yeux) c’est en tant qu’épileptique ou plus précisément, en tant qu’ex-épileptique. J’ai vécu avec cette maladie de l’âge de 7 ans à celui de 38 ans. Je te passe les détails, car ce que je voudrais te dire c’est que, s’il existe autant d’épilepsies que d’épileptiques, on peut envisager, dans certains cas je le précise, une intervention chirurgicale. Les crises doivent être assez fréquentes, résister au traitements (ce qui semble être ton cas, et on parle alors de pharmaco-résistance, qui touche environ 7% de d’épileptiques je crois) et constituer un véritable handicap. J’ai parlé d’intervention chirurgicale et ces mots, je le sais, peuvent être effrayants. Plus effrayants en fait pour les parents et les proches que pour la personne concernée. Mais pour ce qui me concerne, ce n’est qu’au bout de 25 ans qu’un neurologue, un jour béni, m’a demandé ;  » Mes confrères vous ont-ils informé que dans un cas comme le vôtre [c’est à dire lourd, complexe, pharmaco-résistant, invalidant, marginalisant], on pouvait envisager une intervention chirurgicale ? » Et bien non, jamais on ne m’avait dit qu’il était possible d’intervenir chirurgicalement ne serait-ce que pour atténuer l’impact de crises. Nous étions en 1996, j’avais 32 ans, et avais grandi et m’étais forgé en dépit de(mais aussi grâce à) mon épilepsie. C’est donc pour t’éviter peut-être de devoir l’apprendre par hasard et trop tard de la bouche d’un neurologue un peu moins obtus que les autres : oui, dans certains cas, on peut envisager une chirurgie qui permet de guérir de l’épilepsie; ou sinon, qui permet au moins d’en atténuer les effets. Je ne veux pas te donner de faux espoirs, mais je t’aurais donné au moins cette information.
    Depuis le 11 février 2002, jour de mon intervention au CHU Rennes-Pontchaillou (j’ai passé 10 heures sur le billard), je n’ai plus jamais eu de crise. En plus, la France est l’un des pays au monde les plus en pointe pour tout ce qui touche à la neurochirurgie du cerveau. Et notre système de sécurité sociale, si décrié par ailleurs permet de prendre en charge des interventions qui, aux USA par exemple, se chiffrent en centaines de milliers de dollars!!
    Voilà, c’est dit. Et bravo pour ton témoignage. Lorsque j’avais ton âge, en 1979, Internet relevait de la science-fiction, et les possibilités de s’exprimer et d’échanger bien plus limitées qu’aujourd’hui. En plus, l’épilepsie, ce mal aux origines mystérieuses, obscures disait-on, et dont on ne parlait pas. Un mal qui, comme beaucoup de maux lourds et chroniques, peut soit de démolir, soit t’endurcir et même, t’aider à grandir. C’est apparemment cette voie que tu as choisie? Alors, bravo encore ! Et je repense à une phase lue je ne sais plus où : « je suis tombée souvent, mais toujours je me suis relevée. » Cordialement. Paul

  2. C’est si courageux, ta bien fait de faire cette article car je pense que sa ta rendu forte plus forte que jamais. Et tu aide les personnes dans ton cas a accepter également cette maladie qui n’est pas forcement facile à vivre

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