Danielle R. 18/02/2019

J’aime pas le sexe et ça me fait peur

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En couple, amoureuse, Danielle n'aime pas faire l'amour, elle en a même peur. Pourquoi ? Elle s'interroge sur les raisons d'un tel rejet...

J’ai l’impression que le sexe est partout. Les ados se branlent sur du porno. Quand ils grandissent, ils veulent avoir le plus de conquêtes pour faire l’amour un maximum. Parce qu’ils aiment ça, le sexe. Une amie m’a appris qu’elle et son copain avaient tous les deux une vision plutôt libertine du couple. Il lui est arrivé de partir un week-end de temps en temps à Berlin juste pour coucher avec un homme qui lui avait plu. Avec le consentement de son copain. Je ne comprends pas cet engouement pour les rapports sexuels dans lesquels il n’y a pas d’amour. Le sexe pour le sexe.

Je n’ai jamais aimé faire l’amour. Avec mon copain, ça a été compliqué. J’étais en terminale. Et on a mis environ six mois à avoir un vrai rapport sexuel. Par « vrai », j’entends pénétration. Je n’y arrivais tout simplement pas. À chaque fois qu’il essayait, je pleurais, j’avais des crises de panique. J’avais très peur d’avoir mal. Mes copines au lycée m’avaient complètement traumatisée : « Tu verras, tu vas saigner de ouf  », « moi ça m’a fait tellement mal, on l’a plus refait pendant un mois après tellement c’était horrible ». Au bout de six mois, très difficiles, étant donné qu’on n’arrêtait pas de remettre notre couple en question, on a enfin réussi. Et puis après, pendant quelques mois, on l’a fait à fond. Aujourd’hui, je ne me souviens plus si j’aimais vraiment ça ou bien si je me forçais pour faire plaisir à mon copain. Mais parfois, j’avais mal, je ne me sentais pas bien. J’avais l’impression d’être un objet : mon copain me désirait, on faisait l’amour, puis il s’endormait. C’était comme si j’étais seulement là pour satisfaire ses pulsions sexuelles.

J’associais le sexe à la douleur

Puis, j’ai eu une infection urinaire : douleur atroce. Après ma guérison, on a refait l’amour. Trois mois après, deuxième infection urinaire. Sur Internet, j’ai lu que c’était souvent en lien avec les rapports sexuels, quand on ne se nettoie pas correctement après avoir fait l’amour. J’ai ensuite eu du mal à avoir des rapports avec mon copain. Mais il était en demande, donc je me forçais quelques fois. Puis, deux mois plus tard, troisième infection urinaire. Ma mère m’a pris rendez-vous chez un médecin spécialisé : il m’a dit que, effectivement, il fallait toujours uriner après chaque rapport et m’a donné d’autres conseils pour les éviter. Avec mon copain, ça se passait très mal : je n’arrivais plus du tout à faire l’amour. Dans ma tête, j’associais le sexe à la douleur. On ne faisait presque plus rien, sauf de temps en temps, mais cela me faisait mal, je n’étais plus excitée et j’avais du mal à lubrifier. Puis, j’ai eu des mycoses, mais j’avais peur d’aller voir une gynécologue.

Rien que d’imaginer que quelqu’un que je ne connaissais pas allait regarder dans un endroit si intime m’effrayait. Pendant des mois, on n’a plus rien fait. En tout cas, pas de pénétration. Je n’avais même plus de désir : je détestais quand il me touchait et je ne ressentais plus rien quand il m’embrassait. Son sexe me dégoûtait, et le mien aussi. Mais cette répugnance était simplement sexuelle : à part ça, je l’aimais. Juste, je ne voulais pas de sexe. J’en suis même venue à me demander si je n’étais pas asexuelle. Lui ne comprenait pas : il m’aimait et était attiré par moi. Il se demandait si je l’aimais encore. Mais comment montrer à quelqu’un qu’on l’aime sans avoir de rapports sexuels ? C’est tellement difficile…

J’ai peur de ce que je pourrais découvrir

Au bout d’un an, j’ai pris les choses en main. Non pas parce que je voulais avoir du sexe, mais parce que je commençais à en avoir marre de ces mycoses qui revenaient sans cesse. La gynécologue était très gentille et je lui ai tout expliqué. Elle m’a auscultée doucement. Ça s’est très bien passé. Je lui ai raconté que j’avais mal, mais elle m’a assuré que je n’avais rien. Alors je lui ai demandé l’adresse d’un sexologue, pour en parler avec quelqu’un. Mais je ne suis toujours pas allée le voir. Car j’ai peur. Peur de comprendre quelque chose. Parce que quand j’y réfléchis, je me dis que j’ai un vrai problème avec le sexe. Mettre six mois à faire l’amour, pour après arrêter à cause d’infections urinaires et ne plus avoir de désir… C’est pas normal. C’est comme si mon corps trouvait des excuses pour ne pas à avoir à faire l’amour.

Alors j’ai peur de découvrir quelque chose. Parce que quand mon copain commence à me caresser ou me touche, ça m’arrive souvent de faire des crises d’angoisses. Je pleure à gros sanglots, sans pouvoir m’arrêter. Un jour, quand avec mon copain on n’arrivait pas encore à faire l’amour, au début, il m’a raconté un truc. Il m’a dit que sa tante, quand elle était jeune, à chaque fois qu’elle faisait l’amour, des plaques rouges sur tout son corps apparaissaient. Alors au bout d’un moment, elle a consulté un sexologue, qui l’a hypnotisée, et lui a fait remonter son inconscient. Elle s’est alors souvenue que quand elle était toute petite, son oncle avait abusé d’elle. Alors j’ai peur. Peur de découvrir quelque chose de semblable.

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Quand j’étais petite, j’ai été abordée par un pédophile. On était dans un camping avec mes parents et je voulais aller à l’aire de jeux, qui était hors du terrain. Sur la route, un homme debout, à côté de son camion, se masturbait. Il m’a dit : « Tu viens ? » Je lui ai dit non, que je devais me dépêcher. Il a insisté. Alors je suis partie en courant. Je ne sais pas si c’est ça qui m’a traumatisée à vie. Sur le coup, je ne l’ai dit à personne. Même pas à mes parents. Aujourd’hui, juste mon copain et une de mes sœurs le savent.

Alors j’ai peur d’apprendre quelque chose d’autre, qui pourrait changer ma vie. Quelqu’un de ma famille m’aurait touchée ? Ou c’est juste cet homme qui est resté dans ma tête ? Ou aucun des deux ? Je n’en sais rien. En tout cas, je n’aime pas le sexe, car j’en ai peur. Et quand je vois toutes mes amies et la société qui met du sexe partout, qui promeut le plaisir et la jouissance sexuelle, je me sens en décalage.

Danielle, 21 ans, étudiante, Paris

Copyright © Sam Taylor/Netflix // Sex education (Série 2018)

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3 réactions

  1. Je me reconnais beaucoup dans ce témoignage, merci à l’auteure de ce billet de mettre en lumière les « difficultés » dont certains d’entre nous peuvent souffrir dans cette société où la sexualité prend une telle importance.

  2. Je lui donne ton mail ?

  3. Bonjour, serait-il possible de contacter l’auteur de ce billet ? J’aimerais beaucoup échanger avec elle…

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