Elion 09/03/2019

J’en peux plus de me battre avec le quartier voisin

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Matraques, battes de baseball, gaz lacrymo... Je ne sais même plus pourquoi les jeunes de mon quartier et ceux de la ville voisine se battent. Et si j'ai pris part aux embrouilles, j'aimerais aujourd'hui que ça s'arrête.

C’était pendant les grandes vacances, on était cinq, tranquilles, entre amis dans notre quartier des Mille-Mille à Aulnay-sous-Bois. On jouait au foot et tout d’un coup, on a vu une bande de garçons, des grands, tous habillés en noir et encapuchés, avec des bâtons, des matraques, des battes de baseball. On ne savait pas ce qui se passait, mais on savait que c’était les mecs des Chalands de Sevran, parce qu’on les connaît. Ils sont venus vers nous, ils nous ont frappés avec des matraques et nous ont gazés avec des lacrymos. On saignait tous. Moi, j’ai reçu un coup de batte dans la tête.

J’étais KO, je voyais double, j’avais du sang sur les tempes

Au bout de trois minutes, la police est arrivée. Je pense que quelqu’un l’avait avertie avant qu’ils commencent à nous embrouiller. Quand ils ont vu qu’on était tous par terre, ils ont appelé les pompiers. J’étais mal, j’étais mort, KO, je voyais double, j’avais du sang sur les tempes. Les pompiers sont arrivés. Ils m’ont posé des questions genre : « Combien de doigts ? », « Où est-ce que tu as mal ? », etc. Ils m’ont emmené à l’hôpital. J’étais sonné. J’y suis resté deux jours.

À ma sortie, moi et mes potes, on voulait se venger, donc on s’est donné rendez-vous sur la route qui sépare nos deux quartiers. On l’appelle « la ligne des pompiers » parce que c’est là qu’arrivent les pompiers à chaque fois qu’il y a des embrouilles. On était 40 et eux, ils étaient 20. Ils ont vu qu’on était trop, donc ils ont couru. Nous, on a couru derrière eux. Deux potes à moi ont attrapé une personne des Chalands, ils l’ont frappée jusqu’à l’arrivée de la police. Après, on est tous rentrés chez nous, car il y avait trop de policiers. Il y avait au moins cinq voitures.

On s’est embrouillés pour une question de territoire

Deux mois plus tard, un pote à moi est parti à Sevran-Beaudottes. Sa mère l’avait envoyé acheter un truc et il avait accepté car il pensait que c’était fini les embrouilles. Il avait pensé ça parce que les gars des Chalands n’étaient pas venus chez nous pendant au moins deux mois. Mais dès qu’il est arrivé, il s’est fait frapper à coups de matraques. Après, une vidéo de son tabassage a fuité. On a tous vu que cette embrouille était partie trop loin, donc les gars des Chalands sont venus nous parler en messages pour nous demander si on voulait bien arrêter l’embrouille. On a dit « OK ».

Pour éviter de zoner, Shaina va à la maison de quartier. Elle y trouve pleins d’activités et elle voyage ! « La maison de quartier, mon échappatoire »

Ces embrouilles, c’est sans fin. On ne sait même plus pourquoi on se tape les uns sur les autres. Ça a commencé il y a deux ans, quand on était au collège les uns avec les autres. À la base, on s’est embrouillés pour une question de territoire, car les grands de notre quartier aiment pas quand les jeunes d’autres cités viennent traîner chez nous. Mais moi, toutes ces embrouilles, ça m’énerve, car c’est très dangereux pour nous. Je suis conscient qu’on pourrait mourir à cause de ces histoires. Je préférerais vivre en paix, profiter de ma vie. À cause de ça, je peux même plus mettre les pieds à Sevran, car je risque de me faire frapper. Des fois, ma mère me demande d’aller retirer de l’argent aux Chalands, et je peux même pas. Et comme elle sait pas pour toutes ces embrouilles, je peux même pas lui expliquer pourquoi je peux pas.

 

Elion, 16 ans, lycéen, Aulnay-sous-Bois

Crédit photo Clip Vidéo Jorja Smith featuring Dosseh par Aldo Hacheme

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