Flore G. 28/11/2016

J’ose un hymne au mélange !

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Flore est une "petite blonde aux yeux clairs et athée". Elle est en couple avec un "homme noir, binational et musulman". Dans le climat actuel de crispations identitaires, son amour du multiculturalisme n'a rien de politiquement correct. C'est juste son quotidien.

 

« Tout homme est le fruit d’un mélange », ai-je pu lire il y a peu en feuilletant un livre dans un moment d’errance à la bibliothèque universitaire. Ça m’a fait réfléchir et ça m’a percutée : nous sommes tous, certes, le fruit d’un mélange biologique et génétique. Nous sommes tous, surtout, le fruit d’un mélange social et culturel, par nos parents, par nos rencontres.
A l’heure où Trump et ses idées racistes, sexistes et archaïques ont conquis l’Amérique et se sont placés à la tête du « monde libre » ; à l’heure où le populisme et l’extrême droite gagnent du terrain partout en Europe ; à l’heure où des migrants, fuyant la guerre et frappant désespérément à nos portes, se voient nier toute dignité et font l’objet d’un discours violent leur attribuant tous les maux de notre pays ; à la veille de voir triompher les idées bleu Marine au printemps 2017 ; cette phrase me pousse à plaider pour un monde qui embrasse sa diversité.
Contre « la peur de l’autre » et « le repli sur soi », un hymne au mélange.

Moi, petite blonde aux yeux clairs

Je suis le fruit d’un mélange.
Petite blonde aux yeux clairs, parisienne, corrézienne pour les vacances et par un quart de mes origines, élevée dans l’athéisme le plus extrême, mais française catholique par mon père et juive polonaise par ma mère.
J’ai grandi bercée par les histoires de ma famille. De la Résistance d’un arrière-grand-père dans les maquis de Corrèze au courage d’une arrière-grand-mère au fort accent polonais marchant libre et sans étoile dans les rues de Paris occupé.

De l’enfance de mon grand-père paternel dans une petite ferme de Haute-Vienne à celle de ma grand-mère maternelle et de ses deux sœurs, juives, cachées dans un « château » par un de ceux refusant de se soumettre.

Savant mélange de cultures et de traditions…

J’ai fréquenté de la maternelle à aujourd’hui, en bac +5, l’école publique. Vingt années d’éducation à l’école de la République. Les premières en ZEP, les dernières dans la prestigieuse université de la Sorbonne.

L’école publique, jugée par certains comme trop multiculturelle, trop colorée. Alors que c’est bien là sa force, l’école publique et sa grande mixité sociale (qui, malheureusement, diminue au fur et à mesure que l’on monte dans les études… et l’égalité des chances alors ?).

L’école publique, qui m’aura aidée à grandir en m’ouvrant à autre chose et aura participé au mélange qui me construit.

Lui, Noir, binational et musulman

Pour terminer le tableau, je suis en couple avec un homme noir, binational et musulman. Autre culture, autre religion, autres histoires à ajouter à mon mélange.

J’ai à nouveau grandi, bercée par ses histoires. D’une enfance au Mali à une école d’ingénieur à Caen en passant par un lycée public parisien où l’on s’est rencontrés.

Des recherches de stages interminables (où, étonnement, tous les « Noirs » de la promo étaient les derniers bredouilles) à la volonté de repousser un voyage aux Etats-Unis maintenant que Donald Trump a été élu.
Imaginons que c’est avec cet homme que j’aurai un jour des enfants. Leurs cheveux bouclés et leur belle peau couleur caramel crieront à la face du monde : « Nous sommes le fruit d’un mélange ! » Enfants aux origines multiples et au tissage culturel complexe, fruit de la tolérance et de la France ouverte ? J’ose espérer qu’ils grandiront dans un pays où tout ceci n’aura plus d’importance. J’ose rêver qu’ils n’entendront parler de racisme, d’islamophobie et d’antisémitisme que dans les livres d’Histoire.
J’ose espérer que les idées conservatrices et clivantes minant en ce moment l’Europe et l’Amérique n’auront pas triomphé.

Ce portrait n’a pas vocation à m’ériger en « modèle » de tolérance et d’ouverture.

Simplement à pousser chacun à s’interroger sur le mélange dont il est le fruit et l’enrichissement personnel qu’il peut en tirer.

Simplement à essayer de prouver que la diversité a du bon, que la mixité sociale fonctionne et permet le progrès. Simplement à démontrer que le repli sur soi n’est pas la solution. Que la France « judéo-chrétienne et de race blanche » n’est plus. Que « les ancêtres gaulois » de tous les Français ne sont plus.

Soyons curieux. Continuons de s’ouvrir à d’autres peuples, d’autres cultures, d’autres traditions. Embrassons notre diversité en respectant les individualités. Grandissons ! Progressons !

 

Flore G., 22 ans, étudiante en droit, Paris

Crédit photo Pixabay CC0 (photo-graphe)

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