Hawa N. 16/11/2015

Le jour d’après

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13 Novembre 2015. Des attentats multiples secouent la capitale. Les français choqués pleurent leurs morts. Et les jeunes ils en ont pensé quoi ? Série de témoignages.

Notre pays a été touché une nouvelle fois par l’horreur. 7 lieux visés en simultané, plus d’une centaine de morts, plus de 300 blessés.

Ce soir-là, on fêtait l’anniversaire de ma meilleure amie, c’était une soirée joviale, toutes nos amies d’enfance étaient réunies. Vers 21 heures, l’une de nos amies nous informe qu’il y a eu une fusillade à Paris. Sur le moment je me dis qu’il s’agit juste d’un fait-divers-règlement-de-compte et je n’y prête pas plus attention. Mes amies cherchent leur smartphone et parlent alors de plusieurs fusillades, l’une dans un restaurant cambodgien, l’autre au Bataclan, puis on parle du Stade de France. Mon esprit s’embrouille, je ne comprends plus rien. On allume la TV et on tombe sur BFMTV. On tombe des nues. L’ambiance change radicalement, on est au départ très silencieuses. Les téléphones vibrent et sonnent, les notifications des réseaux sociaux s’enclenchent en continu, les proches appellent pour savoir si on est en sécurité et on les rassure comme on peut.

Ce soir-là, je suis rentrée très tard. On discutait encore à 1 heure du matin des évènements, ne comprenant pas comment une attaque si monstrueuse a pu se produire. Deux jours après les évènements, les questions continuent de s’entrechoquer dans mon esprit : pourquoi une seconde fois ? Comment est-ce possible ?

J’ai lu un article ce matin de Courrier international qui, en prenant le point de vue des Etats-Unis et du Canada sur ces événements, pose des questions intéressantes notamment sur la récurrence des actes terroristes en France. Je ne suis pas d’accord avec toutes les suggestions de l’article, néanmoins cette phrase m’a interpellée :

Dans un témoignage publié par le Los Angeles Times, une journaliste coréenne-américaine qui a vécu à Paris rappelle que« presque tous les actes récents de terrorisme sur le sol français (…) ont été perpétrés par des citoyens français ou par des résidents de longue date. Qu’y a-t-il dans l’air respiré en France, pourrait-on se demander, qui fasse naître une forme aussi extrême de mécontentement ? »

Quelques jours après Charlie hebdo, j’ai écris un article intitulé « Terrorisme : pourquoi ne pas soigner les vraies causes? » car pour répondre à la « menace » terroriste, le gouvernement annonçait des mesures de sécurité qui allaient à l’encontre de nos libertés (renforcement des services de surveillance, Patriot Act à la française). Ainsi plutôt que de tenter de soigner les causes, on s’est penché uniquement sur les conséquences. Répondre au terrorisme par des interventions en Syrie, est-ce vraiment la solution ? En moins d’un an, le pays a subi deux attaques, comment peut-on alors affirmer, au lendemain du 13 janvier, que « la France va frapper plus fort en Syrie ».

Ce sont pourtant tes propres enfants, chère France, qui s’attaquent à leur pays. Le pays qui les a vu naître et grandir. Et pourtant, tu ne veux toujours pas te remettre en question ni même chercher à comprendre comment on en est arrivé là ! Une fois de plus, on se contente de faire la sourde oreille. Et si on s’interrogeait, comme le proposent les deux articles ci-dessous sur les conséquences de notre politique étrangère :

L’article de Libé, intitulé « Le retour du boomerang » permet une analyse éclairante à ce sujet :

« Les origines de ce 13 novembre sont aussi à chercher du côté de la politique étrangère de l’Europe et de la France ces quarante dernières années. La démission de l’Europe sur la question palestinienne, l’occasion manquée avec la Turquie que l’on aurait pu si facilement arrimer à l’UE, l’alliance de la France avec les pétromonarchies… sont autant d’erreurs qui n’ont fait qu’aggraver le désastre et nourrir rancœur et radicalisation au Proche-Orient. »

Une autre approche au ton sarcastique intitulée « Retour de bâton : la France est-elle consciente de l’aide concrète qu’elle a apportée aux djihadistes en Syrie depuis 4 ans ? » sur le site Atlantico.

Aujourd’hui, le Président a assuré la tenue d’un Congrès extraordinaire devant les parlementaires pour « rassembler la nation » et présenter sa riposte suite aux attaques de vendredi comme il l’a annoncé samedi, après un conseil de défense. Au lendemain de Charlie Hebdo, le gouvernement a tenté de nous montrer par tous les moyens qu’il souhaitait favoriser le sentiment « d’unité nationale ». Je dirais qu’on a assez entendu de belles paroles et qu’il est maintenant temps de passer aux actes.

Durant le Congrès, les annonces du Président ont concerné uniquement la mise en place de mesures de sécurité exceptionnelles (comme la saisie du Parlement mercredi pour un projet de loi prolongeant l’état d’urgence pour trois mois) ou encore les futures opérations militaires du pays (intensification des opérations en Syrie, volonté d’une coalition avec la Russie contre Daesh). Une question me vient alors à l’esprit, depuis quand la guerre est-elle censée rassembler ? Les frappes de la France en Syrie, c’est répondre à la violence par la violence, c’est laisser une occasion à Daesh d’accomplir son objectif : diviser le pays.

Avant de parler d’unité et de rassemblement, la France doit absolument s’interroger sur sa politique intérieure, soigner les maux de la société, elle qui marginalise une partie de sa population, qui stigmatise et discrimine les enfants d’immigrés, les Noirs, les arabes, les roms, les musulmans ; qui déroule le tapis rouge à des Marine Le Pen ou Nadine Morano qu’on laisse affirmer à la télévision que la France est un « pays de race blanche ». On ne peut espérer un sentiment d’unité nationale tout en faisant constamment douter une partie de la population de son appartenance à la Nation (il n’y a qu’à voir la récurrence du débat sur l’identité nationale ces dernières années). Le multiculturalisme, la diversité de ce pays, doivent être véritablement pensés comme une richesse et non comme une menace ou une faiblesse. Tant qu’on demandera à une partie de la population française de « prouver » qu’elle est française alors « le rassemblement » auquel aspire le Président de la République restera une utopie.

 

Hawa, 23 ans, étudiante et blogueuse, Ile-de-France

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3 réactions

  1. Vous vous posez la question “depuis quand la guerre est-elle censée rassembler ? ” mais le phénomène n’est pas nouveau. Au sortir de la Révolution en 1789 c’est en unifiant tous les français contre les puissances voisines souhaitant anéantir notre république naissante que l’unité/identité nationale a été développé. Chose d’autant plus intéressante lorsque l’on sait qu’à l’époque toutes les régions ne parlaient pas français et que les identités régionales étaient encore très fortes.
    Ce n’est donc certes pas idéal mais malheureusement c’est un fait, la guerre rassemble en cela qu’elle force à prendre position.
    Pour ma part je prône plutôt à retour de certaines valeurs et à une réorientation de l’école car c’est par l’éducation que l’on peut empêcher les masses de tomber dans la manipulation.

  2. Votre article est intéressant. Cependant, par votre commentaire aussi vous partagez les français … Il n’y a pas eu 2 attentats en France, mais à Paris. Que faites-vous de ceux de la région toulousaine par M. Mérah par exemple ? Et ceux évités ou perpétrés en Europe et dans le monde ? Il est vrai que vu de Paris, c’est peut-être anodin … ou pire il ne concerne que les personnes juives (ou les militaires …) … Mais non, le nombre de victimes n’est, pour ce genre d’événement, pas en cause, et le lieu non plus. Je peux témoigner du traumatisme de ma fille, qui n’appartient à aucune des communautés qui pouvait être visées à Toulouse ou Paris, et qui était sur Toulouse en 2012. Lors de chaque attentat, elle se retrouve dans la même insécurité que vous avez du ressentir vendredi soir et se pose les même questions que vous. Je vous rejoins totalement sur le respect que l’on doit à chacun de ses enfants, quelle que soit son origine sociale ou géographique. Chaque français a le droit à un avenir, mais chaque être humain y a aussi droit. Mais aujourd’hui, seule l’économie est respectée et valorisée. On oublie l’humain et pourtant il est la base de notre société, quoi qu’on en dise. Et c’est ce qui est visé par toutes les personnes qui sont enfermées dans leur idéologie qu’elle soit religieuse ou financière. Chercher des responsables, c’est se dédouaner de notre responsabilité collective. Si l’on ne revient pas aux fondements de ce qui a construit la France, emblème de la laïcité, on la perdra … Moi je crois à la prise en main de notre avenir par la société civile, car on le voit dans les témoignage divers de solidarité, elle n’est pas si mauvaise …

  3. Merci !

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