Matthieu J. 13/11/2017

Le jour où j’ai découvert que j’étais séropositif

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Il y a six ans, Matthieu accompagnait son frère pour un test HIV. Il a appris qu'il était contaminé par le virus du Sida.

Le 6 septembre 2011, mon petit frère alors âgé de 22 ans m’appelle tôt le matin. La tête encore dans le brouillard, je réponds. Il me dit qu’il doit faire un test HIV mais qu’il a peur d’y aller seul. J’accepte de l’accompagner s’il me laisse le temps d’une douche. Enfin prêt, je me dirige vers le laboratoire qui se trouve dans le centre-ville de Bezons. Il est 8h45 quand je vois mon frère, devant, stressé en train de fumer une cigarette. Il me dit qu’il a peur de faire le test, car le résultat peut tout changer. Il m’implore à plusieurs reprises de le faire avec lui. Je fume aussi une cigarette, la cigarette du condamné si l’on peut dire. On entre enfin dans le laboratoire à 9h15. On fait chacun de notre côté le test puis on nous dit que les résultats seront disponibles à 17h.

Le choc du résultat

Mon frère me propose donc d’aller passer les heures qui nous séparent des résultats à la Défense. Je le suis, même si je ne suis pas confiant. Au fond de moi, je connais l’issue de cette journée. On ne voit pas vraiment le temps passer et lorsque 17h arrive, on décide de se rendre au laboratoire. Plus je m’approche, moins je suis confiant et le pire, c’est que j’essaie de rassurer mon frère.

On arrive à 17h15, il y a du monde qui attend. Mon frère donne son nom et son prénom. La dame à l’accueil lui remet une enveloppe qu’il s’empresse d’ouvrir et là : gros soulagement, le résultat est négatif. C’est à mon tour, je demande les résultats pour Matthieu J., pas d’enveloppe, par contre, on me demande de patienter. Je suis stressé, j’ai l’impression que l’on va m’annoncer que d’ici peu je vais mourir. Une femme prononce mon nom, je me lève et lui emboîte le pas. Elle me dit : « Vous avez compris pourquoi vous n’avez pas eu vos résultats ? » Je lui réponds un petit oui. Elle tente de m’offrir un soutien et une pseudo seconde chance en me disant que ça peut être un faux positif mais l’effet tombe à l’eau lorsqu’elle ajoute « mais dans votre cas je ne pense pas ».

Ma soeur me voit mort

Je finis par rejoindre mon frère après avoir refait un examen sanguin HIV dont les résultats me seront donnés quelques jours plus tard. Je suis assailli de questions par mon frère. Je finis par lui dire que mes résultats sont positifs. Il pleure en me disant qu’il ne veut pas me voir mourir. Je ne réagis pas, mais, une fois seul, je craque. Je ne veux voir personne. Mon médecin m’appelle pour voir avec lui la suite. Je sors enfin de mon antre, unique endroit qui m’apporte la protection.

S’ensuivent alors des rendez-vous avec des spécialistes et encore une batterie de tests. Au bout d’un an, je reprends un peu de poil de la bête et finis par mettre au courant certains proches. Une des réactions les plus dures est celle de ma sœur aînée qui a passé une semaine à pleurer en me voyant mort dès qu’elle fermait les yeux. J’ai enfin une conversation avec elle et sa première question est : « Combien de temps te reste-t-il à vivre ? » Ça m’a ramené en arrière, à l’époque où je me voyais mourir.

Après la dépression

Après plusieurs années et une dépression, j’ai enfin décidé de savoir ce que je veux. J’ai repris mes études, je me suis fait des amis. J’ai toujours en moi cette chose qui peut parfois me faire vivre un enfer, mais j’ai décidé de la mettre de côté. Le HIV fait partie de moi et je l’accepte.

Hawa, elle, a toujours eu peur du test HIV, pourtant un jour elle a osé le passer.  » Jamais dépistée, ma peur du Sida « 

Par contre je ne peux toujours pas en parler sans me sentir jugé et sans que les autres me regardent comme si j’étais en sursis. Les gens ne savent pas ce que c’est et au lieu de palier à leurs méconnaissances du sujet, ils restent sur des à priori. Ce qui me fait plaisir maintenant c’est entendre ceux qui m’entourent me dire que je suis épanoui et rayonnant.

Matthieu, 29 ans, étudiant, Nanterre

Crédit photo Pixabay // CC KlausHausmann

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1 réaction

  1. En sa compagnie depuis trente ans. Le premier jour je me suis cognée la tête contre les murs. J’ai eu la chance, les premiers traitements étaient là. Quelques effets secondaires. Pas pire que d’être diabétique. Depuis, je suis prof avec un adorable gamin de 8 ans. Je VIE….depuis trente…et je sais que faire de ma vie….Ça c’est la leçon de ce compagnon!…que je garde secret!

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