Emilie J. 11/10/2018

Ma mère me soigne au cannabis et ça me soulage !

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Hospitalisée, je suis shootée à la morphine pendant un mois. Mes traitements m'affaiblissent et me rendent malade. Alors, pour me soulager, ma mère me roule des “clopes magiques”.

Tous les jeudis soir, dans le salon, avec ma mère, on regarde Scènes de ménage sur M6. Mon père rentre tard. Je me roule mon pétard du soir. Ma mère aussi. On commence à papoter, on rigole.

J’avais 16 ans quand ça m’est tombé dessus. Tout allait bien et puis d’un coup, je me suis tordue de douleur, j’avais l’impression qu’on m’arrachait un organe de l’intérieur ! J’ai crié jusqu’au moment où les ambulanciers sont arrivés… Je me suis retrouvée aux urgences. Après une heure dans une salle en pédiatrie à me faire shooter à la morphine avec ma mère en larmes à mes côtés, un médecin est venu nous voir et nous a expliqué que j’allais passer sur le billard car un kyste de neuf centimètres s’était mis à gonfler sur mon ovaire droit. Et il a ajouté : « Par contre, suite à cette opération, il se pourrait que votre fille ne puisse plus avoir d’enfant par voie naturelle. »

Quelques minutes après, on m’a amené une autre poche de morphine, un fauteuil roulant et direction le billard… Quand je me suis réveillée, il devait être 18h. J’étais dans une salle d’un vert dégueulasse et j’ai entendu un infirmier qui draguait une médecin. J’étais suis shootée à je ne sais quoi, j’ai dit : « Je veux voir ma mère.» J’ai entendu le médecin s’approcher : « Elle s’est réveillée ! Vous avez été très courageuse mademoiselle, votre opération a duré 3h30. » L’infirmier s’est approché de ma perfusion, avec encore de la morphine.

Je dors debout, mon corps flanche, j’ai des hallucinations

Quand j’ai à nouveau ouvert les yeux, j’étais dans une chambre avec ma mère qui me tenait la main. Elle m’a expliqué que j’allais devoir rester ici pendant un mois, mais elle me promettait de venir me voir tous les jours. Ce mois passé, je suis enfin sortie !!!

Ma mère qui me connait si bien m’avait acheté des sushis pour fêter mon retour sauf que… pendant un mois, j’avais été sous morphine, donc plus rien n’avait de goût. Je dormais debout, mon corps flanchait, j’avais des hallucinations.

Cette nuit-là, à 3h du matin, j’ai quitté ma chambre pour aller aux toilettes. Une fois arrivée dans mon salon, j’avais l’impression d’être dans une salle de cinéma vide. J’entendais tous les bruits de machines, la box, les canalisations. J’observais, mais je ne comprenais rien. Une lampe s’est allumée, l’ampoule était orange, couleur feu. C’est beau la nuit quand même, je ne sais pas ce qui me fait être comme ça : la fatigue ou la morphine… ?

Les jours défilent, je ne peux pas sortir, je suis devenue trop faible pour l’extérieur… Ça va faire deux semaines que je suis enfermée chez moi, je suis autorisée à sortir dix minutes par jour, les médicaments que je prends me rendent malade, je ne peux rien avaler, ils sont censés me faire disparaître cette douleur, mais j’ai mal, j’en pleure !

Je commence à fumer cette « clope magique »

Ma mère dit que c’est sûrement dû à tout ce qu’on m’a donné à l’hôpital. Elle ouvre une boite devant moi et me dit : « Ça doit rester entre nous, mais ça pourrait marcher, d’accord ? » Je fais un signe de tête, je me tais et j’observe. Elle roule un joint. Pas pour elle ni pour mon père, mais pour moi, pour voir si ça peut m’aider à me sentir mieux. Je le prends et commence à fumer cette « clope magique ». Finie, je m’allonge, prends le temps de poser des petites questions à ma mère et petit à petit, je me sens mieux, mais alors tellement mieux ! Je regarde ma mère partir vers la cuisine et je lui dis : « Maman, j’ai faim ! » Elle me fait des pâtes. Je les engloutis alors que ça fait deux semaines que je ne peux plus rien avaler !

Pendant un an et demi, Augustin s’est drogué. Beaucoup. Il a connu l’excitation, l’énergie, la violence… et l’hôpital psychiatrique. Il lutte encore aujourd’hui pour rester clean. Drogues, médocs, désintox… un handicap à vie.

Mes copains me disent beaucoup que j’ai de la chance d’avoir des parents comme ça, qui me laissent fumer à côté d’eux, qui acceptent tout simplement le fait que je consomme du cannabis. Mais dans ma famille, c’est pas vraiment un tabou : ma mère est ouverte d’esprit et tolérante, mon grand-père fume parfois et mon père a commencé le cannabis quand il avait 21 ans. Le reste de ma famille voit toujours ça comme « le Démon », mais bon, j’ai arrêté depuis longtemps d’essayer de les faire changer d’avis.

Aujourd’hui, je vais beaucoup mieux, j’ai une vie normale malgré le fait de faire partie des jeunes femmes qui doivent passer par fécondation in vitro pour avoir des enfants. La douleur est toujours présente, mais grâce à ces « clopes magiques », je la vis mieux.

 

Emilie J., 19 ans, étudiante, Levallois-Perret

Crédit photo © Netflix // Robert Voets (Disjointed, série 2017)

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2 réactions

  1. On a tendu quelques fois à légaliser ce produit. Et, je pense qu’on a profondément réfléchi sur la question tout comme le sujet avait interpelé des personnes soucieuses de l’environnement et de l’avenir. L’éventualité d’une légalisation, c’est dire qu’il y a sans doute un profit à cela.
    Si, de surcroît, le produit a des vertus thérapeutiques, c’est encore mieux.

  2. En fait, il y a deux molécules principales dans le cannabis. L’une est celle qui provoque les hallucinations, etc., l’autre est celle qui agit sur la santé, c’est celle que l’on utilise aussi contre les crises d’épilepsie, je crois Tout dépend de la variété de la plante ! Certaines ont plus de cette seconde molécule.
    Forcément, c’est difficile d’en parler, comme la loi française empêche de faire la promotion de la drogue (pas tout à fait à tort, puisqu’elle a aussi ses dangers !).

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