Makan N. 23/06/2020

Plus qu’un toit, ils m’ont donné une chance

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Jeune mineur isolé étranger, je me suis retrouvé sans toit, sans argent et sans perspectives en arrivant à Marseille. Quand des bénévoles d'une association m'ont hébergé, tout a changé...

Quand je suis arrivé à Marseille, j’ai passé plusieurs jours à la gare Saint-Charles. Cela a été dur parce qu’on m’a volé mes affaires. Je n’avais plus de sous pour me nourrir… Je passais la journée à traîner dans la gare, en essayant de trouver comment monter dans un train pour aller dans le nord de la France, mais il y avait des contrôleurs partout. Je ne voulais pas rester à Marseille. Finalement je suis resté ici, parce que je n’avais plus les moyens de payer un billet.

Le soir, j’allais me chercher quelque chose à manger chez les associations que d’autres jeunes étrangers de la gare m’avaient indiquées. Après deux jours de galère, un autre jeune m’a parlé d’une association qui aidait les étrangers à Marseille et il m’a montré leur local.

Des Français qui hébergent des mineurs isolés ? Je n’y croyais pas 

Cette association, El Manba, m’a mis en contact avec des gens qui m’ont hébergé deux, trois ou quatre jours. Mais à chaque fois, je devais repartir assez vite. J’étais fatigué, je ne savais plus vraiment où aller…

Et puis un jour, El Manba m’a donné le numéro d’une de leurs bénévoles, Émilie. Elle et son copain m’ont hébergé pendant trois mois. Avant que ça m’arrive, si quelqu’un m’avait dit ça un jour, qu’il y avait des Français qui hébergeaient des mineurs isolés étrangers sans avoir aucun intérêt à le faire, je ne l’aurais pas cru. Émilie travaillait dans un restaurant toute la semaine de 14h à 23h. Et souvent le matin elle dormait, donc on se voyait peu. Son copain, Benjamin, qui était prof d’espagnol, avait plus de temps.

Certains mineurs isolés étrangers sont aidés par des familles d’accueil et des associations, mais nombreux sont ceux laissés à l’abandon. Le podcast LSD – la série documentaire expose les défaillances de l’Etat envers ces enfants en errance.

Comme je n’allais pas encore à l’école, j’allais prendre des cours de français dans des associations, mais lui m’aidait aussi en me donnant des cours de maths et de français quand il était libre. Pendant les week-ends, on cuisinait ensemble des plats africains ou français : je leur faisais goûter les spécialités de mon pays, la Côte d’Ivoire, et eux des spécialités françaises. Parfois, des amis d’Émilie et Benjamin venaient manger avec nous, on mettait de la musique, il y avait une bonne ambiance… C’était cool ! Je suis aussi allé faire de la capoeira avec Benjamin, j’en avais jamais fait avant et j’ai beaucoup aimé.

Dans deux mois je passe mon diplôme, plein d’espoir

Avant de les rencontrer, j’avais beaucoup marché dans Marseille, pour chercher de quoi manger auprès d’associations ou pour trouver un endroit où dormir. D’autres personnes m’avaient hébergé quelques nuits, mais ils étaient très pris par le travail et n’avaient pas le temps de s’occuper de moi. Donc je repartais de chez eux le matin avec les mêmes problèmes. Au bout d’un mois comme ça à Marseille, j’étais désespéré. Je ne savais plus quoi faire pour m’en sortir et j’allais baisser les bras.

Il n’y a pas que les mineurs isolés étrangers qu’une famille d’accueil peut aider. Placé, Amor a aussi trouvé aux côtés de sa nouvelle famille le soutien qui me manquait. Il a pu réintégrer le système scolaire, plus motivé que jamais.

Mais quand je suis arrivé chez Émilie et Benjamin, tout a changé. Ils m’ont aidé pour ma scolarité : c’est eux qui m’ont inscrit à l’école et ils m’ont aidé à m’améliorer en français. Surtout, tous ces moments partagés avec eux m’ont redonné espoir. Aujourd’hui, je suis en terminale Plastiques et composites au lycée Jean Perrin. Dans deux mois, je passe mon diplôme, et c’est un peu grâce à eux.

 

Makan, 16 ans, lycéen, Marseille

Credit photo Unsplash // CC Aaron Blanco Tejedor

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