PetitCoeur 05/03/2018

Pour mon père, une femme ça doit rester à la maison

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Entre moi et mon père, les rapports sont difficiles. Pas seulement parce qu’il a une vision rétrograde des femmes, mais aussi à cause de mes activités de petit trafiquant de drogues...

Mon père a une mentalité du bled. La mentalité du bled, c’est un truc difficile à expliquer. Surtout si tes parents c’est des Français ou des Arabes français. En gros, c’est la mentalité de tous les papas qui ont connu la vie du bled. Le mien est algérien. Il a quitté son pays à cause du manque de travail. Là-bas, les filles, c’est école-maison-ménage et s’occuper des petits. Mes parents sont venus de là-bas et n’ont pas fait d’études. En France, ils sont exclus, donc ils font des travaux de chien (vous voyez, ceux que les Français feront jamais). Mon père, il porte des sacs de farine à l’usine.

Bref, pour mon père, mes seules amies, ce sont mes cousines. Et, elles, elles n’ont pas de père. Donc elles peuvent sortir. Pas moi, parce qu’au bled, les filles ne sortent pas. Pour lui, j’ai juste le droit de faire du sport. Du coup, on se dispute souvent. Je me dis qu’un jour il me comprendra. En fait non… Mais je ferai quand même ce que j’ai envie de faire. Moi, je veux pas me marier, je veux faire ma vie toute seule parce que j’ai besoin de personne. C’est bien le seul truc qui arrange mon père : j’en ai rien à foutre de mes potos. Je peux les quitter n’importe quand.

En fait je n’arriverai jamais à comprendre mon père car parfois il utilise avec moi sa mentalité du bled et parfois celle de la rue, celle du trafic. Parce que mon père, quand il est arrivé en France, il a été obligé de se faire de l’argent. Il n’avait plus sa mère (divorce) et son père ne le calculait pas. La drogue l’a donc beaucoup aidé. Encore aujourd’hui. Si ma mère n’avait pas été là pour le raisonner, je serai pas à l’école, mais à la maison à m’occuper de son trafic !

Elle se prend pour un mec !

Moi, je veux faire comme lui : faire de l’argent, beaucoup d’argent. Parce que sans l’argent, on est rien. Mes cousins ils savent. Mais ils sont comme lui, alors ils disent : « PetitCoeur, elle se prend pour un mec ! » Tout ça parce que je m’habille en survet’ et que je traine avec des mecs !

Mon père, il sait que la drogue au quartier, elle est pire que présente. C’est à cause d’elle qu’on va tous mourir. Et, en même temps, c’est grâce à elle qu’on a du poulet dans nos assiettes. Je trouve normal que mon père ne me laisse pas trop sortir au quartier. Mais, vu que ma mère finit entre 19h et 20h et lui à 21h-22h, je le fais quand même. Souvent, au lieu de faire mes devoirs, j’en profite pour traîner avec mes gars dehors et pour aller à mon entrainement de boxe.

Hakim nous racontait aussi que, dans son quartier, malgré les clichés, les filles savent s’imposer !

Mais quand mon père rentre et me voit avec les gens, je rentre direct. Et il me fait toujours la morale : « Je t’ai déjà dit de pas trainer le soir avec ce genre de gens. Tu connais la rue ! En plus t’es une fille ! » Il a raison. La drogue, c’est une tentation. C’est un poison et n’importe qui peut tomber dedans. Sauf les gosses de riches de Paname ! Moi, je pourrais tomber dedans tellement j’ai soif d’argent ! Bref, mon père c’est la mentalité du bled à travers la drogue.

 

PetitCoeur, 17 ans, lycéenne, Drancy

Crédit photo Flickr // CC Jacques Chiesa

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