Rahmat H. 13/08/2017

Persécuté au Pakistan, bientôt boulanger à Paris

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Sur le million de réfugiés arrivés en Europe l'année dernière, près d'un dixième étaient mineurs. Derrière ces chiffres, des histoires. J'avais 15 ans quand j'ai quitté ma famille. De l'Iran à la Norvège pour finalement m'installer en France...

J’avais 5 ans quand j’ai quitté mon pays, l’Afghanistan, à cause de la guerre. Avec mes parents, mes deux frères et ma sœur, on est partis au Pakistan. J’ai grandi dans une ville située au sud-ouest du pays et qui s’appelle Quetta. À cette époque, Quetta était un endroit où il n’y avait aucun problème de sécurité.

Après quelque temps, la situation a changé et notre communauté ne s’y est plus trouvée en sécurité.

Nous sommes Hazaras, une minorité en Afghanistan, au Pakistan et en Iran. Nous sommes un peuple pacifique… persécuté, massacré.

Un jour, j’ai été témoin d’une attaque terroriste. J’étais sur la place publique, au pied de la montagne.

Certains faisaient du sport, d’autres se baladaient ou allaient visiter le cimetière, comme chaque vendredi. J’étais là-bas, quand deux voitures sont arrivées et se sont arrêtées. Des hommes en sont sortis et ont commencé à tirer sur nous. J’étais effrayé parce que j’étais très proche d’eux.

Je me suis couché sur la terre et après, ils sont partis tranquillement. Onze personnes ont été tuées.

De l’Iran à la Norvège, quelle galère !

Après ça, à 15 ans, j’ai décidé de quitter notre ville. Mon père a parlé avec un passeur pour m’envoyer en Iran.

C’était très difficile et dangereux de partir là-bas sans passeport, mais au bout d’une semaine, on a réussi. Pendant le temps que j’ai passé là-bas, j’ai travaillé dans un bâtiment comme carreleur.

Un jour, j’ai été témoin d’une attaque terroriste. J’étais sur la place publique, au pied de la montagne. Après ça,  mon père a parlé avec un passeur pour m’envoyer en Iran.

Après cinq mois, j’ai décidé de partir en Europe et plus précisément en Norvège, parce que j’ai un frère qui habite là-bas. J’ai trouvé un ami avec qui partir et on a parlé avec un passeur pour qu’il nous emmène en Grèce. Il nous a demandé 3 millions de Rials (140 euros), ce qui était beaucoup pour nous.

Après avoir rencontré de nombreuses difficultés, on a réussi à arriver en Turquie. Là-bas, on a été pris en otage par un chauffeur de taxi. Il nous a demandé de l’argent et après trois jours, notre passeur lui a donné ce qu’il réclamait et on a été libérés. Ensuite, on est partis en Grèce avec un petit bateau et après vingt heures de marche, la police de Grèce nous a arrêtés. Ils ont pris nos empreintes digitales, puis nous ont laissé partir. On a rejoint Athènes. Je suis resté six mois là-bas et on a essayé à de nombreuses reprises de rejoindre l’Italie.

On a finalement à nouveau parlé avec un passeur. Cette fois, c’était 2000 euros. Il nous a mis dans un camion. On était huit personnes. On est restés 40 heures dans le camion, sans boire ni manger.

Quand enfin on est arrivés en Italie, on a pris le train pour Rome. On y a passé 15 jours, chez le frère de mon ami. Ensuite, on est partis en France. Quand je suis arrivé à Paris, j’avais 16 ans.

J’ai alors acheté un billet de train pour partir à Hambourg, mais à la frontière, la police allemande m’a arrêté et m’a renvoyé en France. Après, j’ai essayé trois fois de traverser la frontière, mais à chaque fois, la police m’arrêtait et me renvoyait en France. Au bout de deux mois, je n’avais plus d’argent. Du coup, je mangeais aux restos du cœur ou à la soupe populaire. Je dormais dehors. Le temps est passé très vite.

À la fin, j’ai pris le train à la gare de l’Est sans billet, avec un ami, et je me suis caché sous le lit. Après huit heures, on est arrivés à Hambourg.

Avec beaucoup de difficultés, on a atteint le Danemark, puis le Suède, où mon ami est resté. Moi, j’ai continué de voyager.

Faute de papiers, je plie bagage

Pour faire court, j’ai réussi à arriver en Norvège. J’y ai appris la langue très vite, mais après un an et demi passé là-bas, je n’ai pas réussi à obtenir de papiers. Je suis donc retourné en Suède.

Cinq mois plus tard, les autorités voulaient me renvoyer en Norvège, j’ai donc décidé de retourner en Italie, parce qu’il est plus facile d’y obtenir des papiers.

Je suis resté deux semaines là-bas, mais la situation n’était pas super. Je suis donc revenu en France en juin 2014.

J’ai commencé à aller à l’école en janvier 2015. J’ai appris le français à Montreuil, grâce à l’association APRELIS, et j’ai suivi une formation « agent de restauration » au Centre Éducatif et de Formation Professionnel d’Alembert (77). Et puis j’ai trouvé l’E2C (École de la 2e Chance) de Paris, où je me suis inscrit en septembre 2016.

Actuellement, j’habite à Paris et je suis pris en charge par l’ASE. Ce sont eux qui m’hébergent. J’ai obtenu des papiers en tant que demandeur d’asile. Mon projet, c’est de devenir boulanger, mais ce que j’aime, c’est l’agriculture, l’armée et la réalisation de films.

Mes parents, eux, sont toujours au Pakistan…

 

Rahmat, 18 ans, stagiaire à l’École de la 2e Chance (E2C), Paris

Crédit photo CC The Andras Barta // Pixabay

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1 réaction

  1. Cher Rahmat, ton récit m’a beaucoup touché. Quand tu as dit que tu étais hazara, j’ai tout de suite pensé au magnifique livre « Dans la mer, il y a des crocodiles », de ton compatriote Eniatollah Abkari et de Fabio Geda, le journaliste qui a recueilli son témoignage. Je ne sais pas si tu l’as lu ? L’histoire d’Eniat a des similitudes avec la tienne. Il est hazara comme toi, et il n’avait que 5 ans quand sa mère l’a abandonné par amour au Pakistan pour qu’il échappe à la persécution que subis ton peuple. Son parcours est stupéfiant. Je ne t’en dis pas plus, si jamais tu veux lire son témoignage.
    Enfin voilà… Je te souhaite beaucoup de bonheur dans ta nouvelle vie. J’espère vraiment que tout ira bien pour toi et que ta famille se porte bien..
    Bonne chance,

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