Hakim S. 25/05/2017

Sept flics, mon petit frère… et un bon coup de pression !

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Intimidations, provocs policières... Pour avoir traversé la route au rouge, mon petit frère s'est retrouvé encerclé par sept policiers.

Messieurs les politiques,

Je m’appelle Hakim Soudjay, j’habite Grande-Synthe, près de Dunkerque, depuis près de 26 ans et je m’y suis toujours senti en sécurité. Récemment, un incident a remis en cause mes certitudes. Ironie du sort : dans le récit dont je m’apprête à vous faire part, le trouble ne vint pas de jeunes délinquants, mais des forces de l’ordre.

« T’as pas vu que le feu était rouge ? »

Les faits se sont déroulés le mardi 16 mai 2017, aux alentours de 21h30. Mon petit frère de dix-sept ans s’engage sur un passage piéton, situé au croisement de l’Avenue du Général De Gaulle et de l’Avenue Salvador Allende, à Grande-Synthe. Le feu piéton est rouge. Le feu tricolore l’est également. Il s’empresse donc de traverser avant que la circulation ne reprenne. Cela n’a manifestement pas plu aux CRS qui attendaient, dans leur véhicule, le passage du feu au vert.

« Hé jeune homme, t’as pas vu que le feu était rouge ? »

Mon petit frère s’excuse. Il faut croire que ces messieurs en attendaient plus de sa part. L’instant d’après, la totalité des agents présents dans le véhicule descendait, à l’exception du chauffeur.

« Tu te fous de notre gueule en plus ? Carte d’identité ! »

Pas moins de sept policiers encerclent l’adolescent de dix-sept ans. Le criminel, pris la main dans le sac, n’a d’autres choix que de tout avouer : il n’a pas ses papiers sur lui.

La logorrhée de celui qui semble être le chef ne tarit pas. Il s’époumone, crie sur l’adolescent, menace de l’emmener au poste. Celui-ci refuse, malgré cette tentative d’intimidation éhontée et totalement injustifiée. Il ne peut s’empêcher de remarquer que ses interlocuteurs ont la main posée sur la matraque accrochée à leur ceinture. Un détail frappant.

« T’as huit minutes pour aller jusqu’à chez toi et nous la ramener ! »

Heureusement que ce n’était pas sept.

Mon petit frère s’exécute et fait demi-tour. Comble de l’indécence : il entend des rires dans son dos. Il reviendra au foyer stressé et secoué par ce face-à-face tendu. A son retour, les CRS s’en étaient allés. Et moi, depuis lors, j’ai du mal à calmer ma colère.

Ne rien laisser passer !

Messieurs, je n’attends pas de vous que vous enclenchiez une procédure quelconque. D’abord, parce qu’il n’y a, à ma connaissance, aucun témoignage ou élément de preuve qui pourrait étayer mes propos. Mais surtout, parce que je ne suis pas certain qu’au sens juridique du terme, on puisse mettre en cause le comportement du groupe de CRS, dans la mesure où, juridiquement parlant, il y avait bel et bien en infraction.

En écrivant cette lettre, mon objectif premier est d’informer et de dénoncer ces excès, ces abus ordinaires qui instillent la rancune et la frustration dans les cœurs d’une partie de notre jeunesse.

Moi qui me destine à une carrière d’éducateur spécialisé, comment vais-je expliquer à mon petit frère et à ses amis que tous les français sont égaux, mais qu’il est possible qu’ils dorment au poste s’ils ont l’arrogance de passer au bonhomme rouge ? Comment vais-je leur expliquer que la France les aime et qu’elle les protège, sans qu’ils ne m’opposent l’arrogance et la véhémence de certains agents, prêts à fondre à sept sur un jeune de dix-sept ans pour l’intimider, par jeu ou par zèle ? Comment leur parler avec sérieux d’une société juste et égalitaire, sans entendre en bruit de fond la respiration haletante d’un adolescent qui a peur, et les rires moqueurs de policiers amusés ? Comment garder son calme, quand ébranlant et notre dignité, et le vivre-ensemble, des policiers se font casseurs ?

Demain, la fracture pourrait devenir un gouffre !

Mon second objectif est d’inciter celles et ceux qui seraient victimes d’abus similaires ou plus graves encore à se manifester, non pas dans une démarche anti-policière, mais patriotique. Car toutes les vexations, humiliations, violences illégitimes, alimentent la rancœur. Et la rancœur fracture la France. Il ne faut rien laisser passer. Dans l’intérêt de la France et de la police elle-même.

Enfin, je voudrais alerter l’Etat, dont vous êtes les représentants. En cette période clé de la vie politique française où de beaux discours nous annoncent le changement ; à l’aube d’une marche qui, veut-on nous faire croire, nous mènera sur le chemin d’une France nouvelle et réconciliée, il est urgent d’en finir avec une inégalité de traitement qui n’a que trop duré.

Je ne suis le porte-parole d’aucun mouvement et d’aucune communauté.

Néanmoins, je sais que nous sommes nombreux à en avoir assez d’avoir à se justifier d’être là, ou à montrer patte blanche pour circuler et travailler dans notre propre pays.

Cette colère sourde devra bien trouver un exutoire, et nous ne sommes pas tous des écrivains. Alors levez-vous pour la France que vous prétendez aimer et prenez vos responsabilités avant qu’il ne soit trop tard. Demain, la fracture pourrait devenir un gouffre. Et le vide ne fait aucune distinction entre les gens, fussent-ils ouvriers, ministres, enfants d’immigrés ou enfants de famille bourgeoise.

Des millions de petits frères ont le regard braqué sur vous. Et tant que leur quotidien sera émaillé d’histoires semblables à celle que je vous ai écrite, les idéaux républicains dont vous vous parez resteront à leurs yeux, de la poudre de perlimpinpin.

Cordialement,

Hakim,

 

Hakim, 25 ans, blogueur et ambassadeur d’Unis-Cité, Grande-Synthe

Crédit photo CC Christian Parreira // Flickr

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3 réactions

  1. C’est vrai, la règle est faite pour être respectée. Seulement dans une petite ville comme la mienne, qui plus est le soir lorsque les rues sont vides, il est étrange de voir quelqu’un s’arrêter au feu rouge piéton. Depuis cet incident, j’ai tendance à le faire, même à 23 heures, quand il n’y a plus un chat… Je peux vous dire que j’ai l’air bête. Mais s’il faut en arriver là…

  2. Sans excuser le comportement des policiers qui est lamentable.
    La base est de respecter les feux rouges….piéton ou non….
    On tend le bâton pour se faire battre
    Et quand celui qui peut battre est un policier se sentant au dessus de tout… ca donne ca….
    La police doit être exemplaire sans aucun doute….tout citoyen est supposé l’être… et ça commence par respecter les feux rouges piétons ou non…

  3. Vous avez la liberté d’adresser ce message à Emmanuel MACRON, Président de la République
    https://twitter.com/EmmanuelMacron
    Si vous voulez je le fais pour vous

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