Sama 19/09/2019

Seule Noire de ma campagne, je fais « exotique »

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À mon arrivée au collège, j'ai déménagé à la campagne. J'y ai découvert l’ignorance et les remarques par rapport à mes cheveux et ma couleur de peau.

Dans la ville de Trappes, du moins dans mon quartier et ses alentours, on se connaissait tous. De nombreuses communautés cohabitaient : Afrique du Nord, Afrique subsaharienne, Asie, Europe de l’Est… formant un méli-mélo très cosmopolite. Mes parents nous confiaient souvent à des voisins et l’été, ma sœur et moi retrouvions nos amis dans des espaces verts, à la piscine ou dans ce qu’on appelait le Square. C’était si divers qu’on se reconnaissait forcément en quelqu’un. Alors, lorsque nous avons déménagé à la campagne, nous nous sommes retrouvés la seconde famille noire à habiter là.

Il y avait environ 900 habitants (donc bien moins qu’à Trappes). La majorité n’était pas « issue de la diversité ». En sixième (au collège de Rambouillet, la ville la plus proche), j’étais la seule Noire de ma classe avec une fille métisse qui est devenue mon amie. Pareil pour ma sœur en primaire. Pour la première fois, j’ai fait face à l’ignorance de certains. J’avais souvent l’impression d’être la dernière attraction en vogue, le sujet de drôles de questions : « Dis, est-ce que tu deviens complètement bleue quand tu bronzes ? » Ou : « Puisque la couleur noire attire les rayons du soleil, t’as jamais froid en hiver ? » J’étais abasourdie, mais rarement en colère. J’essayais de ne pas leur en vouloir d’être curieux et de poser des questions, aussi saugrenues soient-elles. J’étais surtout attristée de remarquer que le manque de diversité dans les villages alentours créait autant d’ignorance.

Certains s’offusquent que leurs blagues finissent par me déranger

Le jour où je suis venue coiffée d’une afro au collège, tout le monde a voulu toucher mes cheveux, comme s’il s’agissait d’une créature toute nouvelle, venue d’un ailleurs mystérieux. Une de mes camarades de classe – blanche – que je connaissais à peine a même fourré sa main dans mes cheveux, en toute tranquillité, prétendant qu’elle « n’avait pas pu s’en empêcher », à croire que sa main était dotée d’une conscience propre !

Être en minorité à Rambouillet, c’est aussi se prendre plein de blagues au sujet de sa couleur de peau. Je ne suis pas susceptible et même plutôt bon public, je ne les prends pas au sérieux. Néanmoins, ce qui a tendance à me déranger, c’est qu’elles deviennent répétitives, lourdes et régulières. Je ne fais pas souvent de réflexions, parce que certains s’offusquent que leurs blagues recyclées finissent par me déranger. Ils se vexent presque. Alors je laisse couler. Même quand ça ne me fait plus rire. Même quand ça m’énerve.

Le racisme c’est pas qu’à la campagne : Sally en a fait les frais en quittant la banlieue pour déménager à Paris. Elle a découvert le racisme à l’école, et ne s’est pas laissée faire.

Malgré ces quelques épisodes, je ne me sens pas marginalisée non plus, surtout depuis que je suis au lycée. On y est plus nombreux, c’est plus divers, on voit de tout. La plupart des gens sont plus matures, beaucoup veulent échanger à propos de nos cultures et d’autres sujets. Au collège, il y a une phrase que j’ai souvent entendue de la part de quelques amies : « J’adorerais être Noire. » Je crois qu’elles ne voient là que les cheveux crépus, bouclés, frisés, les coiffures en tous genres très colorées, la musique entraînante… Peut-être qu’on leur paraît « exotiques ». Il y a tant de choses qu’elles oublient, quand il s’agit d’être Noir(e) à Orcemont, à Rambouillet… en France.

 

Sama, 16 ans, lycéenne, Orcemont (78)

Crédit photo Pexels // CC Idy Tanndy

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