Inès S. 23/09/2020

Un stage à l’Assemblée nationale, on me disait « c’est mort »

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Décrocher un stage à l’Assemblée nationale quand on vient d'un quartier, impossible ? J'ai voulu prouver le contraire à mes amies.

Avec mes amies, on était dans la cour, en train de discuter des stages de troisième au collège Jules Ferry de Mantes-la-Jolie. Une amie m’a demandé où je voulais faire le mien, je lui ai dit à l’Assemblée nationale. « Ce n’est pas possible, personne ne lira ta lettre de motivation. » « Et vu le lieu d’où tu viens, tu ne seras jamais prise. » J’étais en fin quatrième. Ses paroles m’ont beaucoup blessée, j’étais enragée et triste. Je ne comprenais pas pourquoi il y avait tant de préjugés et de dénigrement envers les habitants des villes ou des quartiers dits « délabrés ».

Pour lui prouver qu’elle avait tort et montrer à tout le monde que ce n’est pas parce qu’on vient de Mantes-la-Jolie qu’on ne peut pas réussir dans la vie, j’ai décidé de tout faire pour obtenir ce stage. Je suis allée voir mes professeurs pour leur demander si, d’après eux, c’était possible. Ils ont tout de suite cru en moi. Mes parents aussi m’ont beaucoup épaulée et encouragée. Ils m’ont convaincue de ne pas abandonner.  

Pour briser les barrières sociales, le concours Eloquentia élit tous les ans le ou la meilleur.e orateur.rice du 93. Le documentaire À voix haute suit une classe de jeunes qui s’y préparent :

J’ai écrit deux lettres de motivation : une que j’ai donnée à l’ancien maire de Mantes-la-Jolie, M. Pierre Bédier, et une deuxième que j’ai remise en main propre au président de l’Assemblée nationale, M. Richard Ferrand, lors d’une sortie à avec l’association Eiapic, qui m’accompagne dans ma scolarité.  

Quand j’ai donné ma lettre au président, j’étais vraiment stressée. Mais, une fois que je me suis présentée et qu’il a lu ma lettre, j’étais fière de moi et très soulagée. Cette sortie était super ! Ce lieu historique est magnifique, j’étais impressionnée par toute cette grandeur, cette décoration dorée et cette foule.

C’est injuste d’avoir à me battre autant

Un mois et demi plus tard, j’ai reçu une lettre de l’ancien maire de la ville qui disait qu’il avait pu me procurer un entretien avec Michel Vialay, député de la huitième circonscription des Yvelines. J’étais super contente ! Pendant l’entretien, il m’a posé quelques questions sur ma scolarité et sur mon choix de l’Assemblée nationale. Je lui ai dit que je rêvais de découvrir ce lieu de pouvoir, connaître les anecdotes, ses petits secrets, et que la politique m’intéressait beaucoup. 

Après, on a fait toutes mes démarches avec mes parents. Et, au bout d’un ou deux mois, j’ai pu décrocher mon stage de troisième à l’Assemblée nationale ! J’étais la plus heureuse ! Mais j’ai trouvé ça un peu injuste d’avoir eu à me battre et à persévérer autant pour obtenir ce stage, alors que si j’avais été fille de ministre ou de quelqu’un de haut classé politiquement, mes parents n’auraient eu qu’à passer un coup de téléphone pour m’obtenir un stage… ou même un travail !  

Les jeunes des quartiers se disent d’avance qu’ils n’y arriveront pas

J’ai conscience que, dans la vie, nous ne partons pas avec les mêmes chances pour réussir car il y a beaucoup de préjugés sur les habitants des banlieues. Pour moi, l’une des plus grandes épreuves à traverser est l’inégalité. Économique ou sociale. 

Djery était lycéenne dans le 93. Sans y croire en inscrivant ses vœux sur Parcoursup, elle a pourtant réussi à intégrer Assas, cette université qui lui semblait « inaccessible ».

L’autre problème, selon moi, c’est l’autocensure. Souvent, les jeunes qui viennent de quartiers difficiles se disent d’avance qu’ils n’y arriveront pas. Juste à cause du lieu où ils sont nés. Les portes sont parfois grandes ouvertes, mais en se rabaissant, elles se referment petit à petit. À nous de montrer ce qu’on vaut et de les franchir ! 

 

Inès, 14 ans, collégienne, Mantes-la-Jolie

Crédit photo Unsplash // CC Chris Ainsworth

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