Mariata R. 08/10/2018

Une excision pour mes 10 ans

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En vacances en Guinée, Mariata à été forcée à l'excision. Là bas, passer de l'enfant à la femme, dans le sang et la douleur, c'est la coutume.

J’avais 10 ans. Je partais pour les vacances chez mes grands-parents dans mon village, en Guinée. J’étais excitée d’aller chez mes cousins et cousines. Tout la famille était contente de me voir. Au village, on se levait le matin pour aller chercher l’eau dans la rivière. Sur la route, je voyais les animaux, le paysage était très beau. Je croisais certaines personnes partant aux champs pour cultiver le riz.

Je voyais le sang par terre

On était quatre filles du village. Ma tante avait décidé de nous faire exciser par une vieille dame. Elle habitait en brousse. À notre arrivée, je voyais les filles assises sur un banc dehors. Elles rentraient chacune leur tour dans la maison. J’avais pas compris que c’était pour nous l’excision. J’entendais les cris. J’avais peur.

Et puis, on m’a appelée. Je voyais le sang par terre. La dame qui nous excisait portait une robe rouge. On m’a dit de m’allonger par terre dans la maison. Il y avait quatre femmes. Deux personnes ont attrapé mes pieds et les deux autres ont attrapé mes deux bras. Après, j’ai commencé à crier. Elle a utilisé la même lame qu’avec les filles d’avant.

De retour à la maison on chantait pour nous. J’avais trop mal. Parmi nous, il y avait une petite fille de 7 ans. Elle pleurait. Elle perdait beaucoup de sang. J’ai demandé à ma tante pourquoi elle avait décidé de nous exciser. Elle m’a répondu que c’était une coutume et une tradition. Je pleurais. Je me suis dit que j’avais perdu une partie de mon corps.

Quand tu es excisée au village, le lendemain matin, tu vas faire des travaux. Si tu ne travailles pas, t’es mal vue, on te prive de manger, on te frappe. Moi, j’ai travaillé. Ma tante nous a dit d’aller aux champs pour cultiver le fonio, on cherchait des fagots dans la brousse pour cuisiner. C’est à partir de ce moment, l’excision, que tu commences à faire la cuisine, arranger et nettoyer la maison, faire la vaisselle… Que tu deviens une femme. Moi, j’avais 10 ans.

Ils disaient : “Aujourd’hui, tu deviens une femme”

La nuit, tout le village s’est réuni autour d’un feu. Ça chantait, ça dansait. Certaines personnes racontaient des contes. Il y avait la lune. C’était des chansons sentimentales et tristes qui disaient : «Aujourd’hui on t’a excisée donc tu deviens une femme.» Tout le monde répétait le chant, mais moi, j’avais pas envie. J’étais fâchée, je me sentais mal, triste. Je ne connaissais pas les gens de ce village.

Le mois que j’ai passé dans ce village a changé la femme que je suis devenue. Quand tu es excisée, tu vas pas être pleinement amoureuse. T’as pas envie de faire des trucs. Je ne pourrais pas vous expliquer comment j’ai vécu ce moment difficile et douloureux. On ne nous demande pas notre avis, c’est une surprise.

Comme Mariata, Myriam vient de Guinée. Elle aussi a quitté son pays pour venir en France. Et elle aussi constate et dénonce la différence de liberté des femmes, et plus largement des enfants, entre ces deux pays.

Je suis à Paris depuis le 18 septembre 2017. J’ai perdu une partie de moi-même en Guinée. Mon rêve, c’est de travailler un jour dans les organisations internationales pour lutter contre l’excision. En France l’excision est interdite par la loi : pourquoi les femmes ont plus de liberté en France que dans certains pays ?

Mariata, 16 ans, en formation pro, Paris

Crédit photo AdobeStock // © Naeblys

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5 réactions

  1. Je ne savais pas ce que c’était je suis aller regarder sur internet et je trouve sa horrible et tt ce sang franchement bravo pour ton courage et sa à du faire horriblement mal j’espère que sa s’arrêtera car rien dit dans le coran que c’est obligé pour une fille . Cordialement marina

  2. J’ai fait la connaissance lors d’une conférence d’information sur l’excision, de la présidente d’une association qui lutte activement contre cette pratique. Tu peux la contacter si tu le souhaites. Il s’agit ” des orchidées rouges”. Tu trouveras leur site sur internet. Elle a trouve le soutien d’un medecin.
    Cordialement
    Paulette

  3. Toute ma compassion pour toi, Mariata. Je te remercie d’avoir partagé ton histoire avec nous. J’espère qu’elle aidera à ce que d’autres comprennent que cette tradition est extrêment violente pour les filles à qui elle est infligée. Je te souhaite d’être heureuse et de trouver les soutiens pour te réconcilier avec ce corps mutilé.
    Bien à toi,

  4. Merci d’avoir témoigné, Mariata. Ton récit est un apport au combat qu’il faut mener envers et contre tout mener, pour que cessent ces coutumes, qu’on arrive à les interdire, à punir sans états d’âme ceux et celles qui le pratiqueraient encore clandestinement.
    Sinon, j’ai envie de te dire que bien sûr que si, tu seras amoureuse. Tu verras ! 🙂

  5. C’est une horreur, il faut que ça arrête cette barbarie

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