Hugues M. 31/08/2020

Covid-19 : ma jeunesse ne m’a pas protégé, j’ai failli y passer

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De mars à mai, j'ai vécu l'épidémie de coronavirus depuis mon lit d'hôpital. Malgré mes 22 ans. Et les séquelles se font encore sentir.

Depuis que je suis sorti de l’hôpital, sur les réseaux sociaux, je vois la plupart de mes amis sortir sans respecter les gestes barrières ou les consignes de sécurité et cela me désole qu’ils prennent le risque de se retrouver à l’hôpital. Parce que, malgré notre âge, le Covid, nous pouvons l’avoir.

J’ai contracté les premiers symptômes du Covid le 19 mars 2020 : fièvre, toux, fatigue puis difficultés respiratoires et enfin perte de goût et d’odorat, le tout étalé sur deux semaines. Le 23 avril, j’ai été pris de violentes douleurs au ventre, suivies de vomissements. Un premier médecin m’a diagnostiqué une grippe intestinale et un second une appendicite et m’a envoyé aux urgences. Je m’y rends sans savoir que j’allais y rester presque trois semaines pour le Covid.

Aux urgences, la piste de l’appendicite est écartée immédiatement. J’ai ensuite été testé pour de nombreux virus. Tous se sont avérés négatifs, y compris le Covid. Avec une inflammation des organes, les médecins penchent alors pour la piste de la maladie de Crohn ou d’une iléite aiguë et ils me soignent contre ces pathologies durant plusieurs jours. Enfin, un second test au coronavirus se révèle positif. Je suis donc transféré au service interne Covid.

Nous sommes avertis, je ne passerai peut-être pas la nuit

Comme mon état ne s’améliorait toujours pas, les médecins ont cherché une piste différente. Cela faisait presque une semaine que je n’avais pas dormi et les hallucinations visuelles et auditives ont commencé, avec une douleur physique intense constante. C’était assez difficile à gérer. Durant la nuit du 28 avril, ma tension chute, autour de 3 au lieu de 12, avec un pouls de plus de 150 bpm et 42 de fièvre. Mes parents et moi-même sommes avertis que je ne passerai peut-être pas la nuit. Je suis transféré au service de réanimation spécial Covid de l’hôpital, on me pose des cathéters dans le cou et dans l’artère du bras droit pour pouvoir me faire des prises de sang rapidement, suivre ma tension en continu et m’injecter facilement des médicaments. Je suis également muni d’une aide respiratoire jusqu’à la fin de mon séjour de dix jours en réanimation.

J’ai passé la nuit sous morphine pour calmer la douleur et baisser la fièvre mais mon foie n’a pas supporté alors je n’ai plus eu droit aux antalgiques pour calmer la douleur intense au niveau de l’abdomen. Une radio faite le lendemain montre que les tissus de mon cœur et que mes poumons sont noyés dans un mélange d’eau, de sécrétion et de sang en plus d’une embolie pulmonaire durant la nuit.

À partir de ces examens, les médecins en déduisent au bout de deux jours, en travaillant avec l’hôpital Necker spécialisé dans les maladies infantiles, que j’ai probablement contracté un dérivé de la maladie de Kawasaki (ou une myocardite aiguë), à cause du Covid. Je suis actuellement le seul jeune adulte à l’avoir eue en France. Les médecins sont persuadés que cela a à voir avec mon ADN et ils me soignent dès lors avec des immunoglobulines. Des sortes d’anticorps.

Aide-soignants et médecins se relaient à mon chevet

Après une semaine de fièvre qui chute doucement de 42 à 37, la tension qui remonte et les douleurs qui disparaissent lentement, les médecins sont confiants. Ils suivent tous les jours l’évolution au niveau du cœur et des poumons avec des radios et des IRM. Puis, je passe une semaine en surveillance dans un autre service car j’avais également un risque d’infarctus non nul. Je suis sorti guéri mais affaibli de ces trois semaines d’hospitalisation.

Durant cette période en réanimation, à cause de la fièvre (et de ma myopie !), je ne me rendais pas réellement compte de ce qui se passait. Le monde était assez flou autour de moi, donc les infirmiers, les aides-soignants et les médecins se relayaient à mon chevet toute la journée. Ils étaient pour la plupart aussi âgés que moi. Tout le service était assez troublé de me voir : depuis le début de la pandémie, j’étais l’un des plus jeunes admis en réanimation dans cet hôpital. Mais ils n’ont jamais hésité à m’expliquer quand ça allait mal pour moi.

Solenn est infirmière en réanimation. Elle a été en première ligne durant cette épidémie, et la Covid lui laissera des traces.

La douleur physique était assez compliquée à supporter. Mais le pire était de me dire qu’aussi jeune, je risquais de ne pas sortir de l’hôpital sans voir ma famille et mes amis proches ; car à cause du Covid, les visites étaient interdites.

Je suis sorti le 14 mai de l’hôpital, le retour à la vie normale est compliqué physiquement comme psychologiquement. Je dois faire une rééducation physique pour réapprendre à marcher et à respirer normalement. Suivi par mail et téléphone par une psychologue de l’hôpital où j’ai séjourné, c’est assez dur pour moi d’accepter ce que j’ai vécu. À savoir qu’à partir d’aujourd’hui je suis supposé cardiaque jusqu’à ce que mes cardiologues prouvent le contraire. Et je suis interdit de tout effort physique intense, donc de sport, pour une durée d’au moins trois mois. À ce jour, les médecins ne savent toujours pas si j’ai contracté une deuxième fois le Covid ou s’il n’a pas quitté mon corps durant un mois et demi.

Depuis, j’ai un léger syndrôme post-traumatique

Je ne me sens plus du tout comme avant. J’ai réalisé qu’il fallait surtout profiter des gens autour de soi. Quand on m’a annoncé que j’allais peut-être y passer, j’ai rédigé des messages aux personnes qui comptent pour moi. Mes parents, mes amis proches dont un certain Thomas et mon ex-copine Orsola. Je ne leur ai jamais envoyé mais ça m’a permis de revaloriser l’importance de ces relations.

Il va me falloir du temps pour m’en remettre. Mais je ne perds pas espoir, les médecins sont confiants pour mon rétablissement. J’ai quand même un léger syndrome post-traumatique. Un soir, deux semaines après ma sortie de l’hôpital, j’ai fondu en larmes : « Merde, j’ai vraiment failli y passer. »

Qu’on soit jeune ou non, la réanimation n’est pas sans conséquences psychologiques. Un focus France Info souligne l’importance du soutien psychologique après avoir été hospitalisé.

Je suis également devenu très susceptible et facilement irrité quand les gens abordent le sujet du virus. Ma famille et mes amis ont aussi été touchés psychologiquement. La plupart ont eu très peur et ont été sensibilisés au risque réel du Covid.

Mais j’ai une grande reconnaissance et un grand respect envers le personnel soignant et tout le personnel de l’hôpital, sans qui je ne serai plus là. Et surtout je ne me mets plus trop de barrière dans la vie. Je suis moins raisonnable et j’essaie de faire un maximum de choses. Car d’autres n’ont pas eu ma chance. Alors je me sens redevable de profiter de la vie, pour eux.

 

Hugues, 22 ans, étudiant, Paris

Crédit photo United Nations Talents House // © Kevin Kobsic

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