Hanane M. 28/07/2020

Covid-19 : cet été, sans Algérie, pas d’oxygène

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Chaque été, je retrouve l'Algérie. Mais cette année, à cause de la Covid-19, nos plans tombent à l'eau. Pour moi, ça a un coût émotionnel et financier.

Algérie. Ce mot paraît sûrement anodin pour la majorité des « non-Algériens ». Pour moi, il représente beaucoup, voire tout. L’Algérie n’est pas seulement ce pays de l’autre côté de la Méditerranée, une équipe de foot (quoi qu’elle soit importante pour notre jeunesse), ou « one, two, three ». L’Algérie, j’y laisse une partie de mon cœur à chaque fois que je reviens en France et je la retrouve quand j’y retourne. C’est une partie intégrante de ma vie, mais pas cette année.

Cette fermeture des frontières, elle me fait beaucoup de mal, sur plusieurs plans.

Adieu à mes 400 euros

Sur le plan financier, étudiante sans ressources, j’avais mis de côté quelques sous pour pouvoir me payer un billet que j’ai acheté au mois de février. J’avais prévu de partir le 1er août et, comme vous avez pu le constater, aucune ouverture des frontières algériennes en vue. J’ai donc perdu l’argent de ces billets puisque, à ce jour, je n’ai aucune nouvelle d’Air Algérie pour me prévenir d’un quelconque remboursement. Adieu à mes 400 euros.

Avec ma mère, on avait prévu de faire une grande fête pour célébrer l’obtention de ma licence avec toute ma famille, tous ceux que j’aime vraiment à mes côtés. On avait passé les commandes des gâteaux chez un pâtissier de renom qui possède son atelier en pleine capitale, et on a dû tout annuler… Une grosse perte financière pour nous. Mais ma famille essaie de relativiser.

Hormis ça, avec mes tantes et cousines, j’avais prévu une semaine en dehors de ma/mes ville(s) d’origine, parce que chaque année je passe une semaine dans une nouvelle région pour pouvoir découvrir davantage le pays de mes ancêtres. On a dû annuler toutes nos réservations.

L’Algérie est ma mère patrie, la France ma dame nation

Ça me touche parce que c’est important pour moi de pouvoir me rendre plusieurs fois par an en Algérie. J’avais pour habitude d’y aller au moins deux, voire trois fois par an. Pourtant, je ne suis pas du tout née là-bas. Je suis née en France, à Saint-Denis. Mais, pour plusieurs raisons, je dirais que l’Algérie est ma mère patrie et que la France est ma dame nation ; à vous de comprendre.

Hormis le fait de ne pas voir mon pays, mes cousins, mes tantes et mes oncles me manquent vraiment beaucoup. Je passe de super moments avec eux. En France, je n’ai pas grand monde à part mes parents, mon frère, ma sœur, et un cousin au Havre. Je n’ai pas connu le père de mon père, et j’ai vu le père de ma mère décéder… Alors, après le décès de mes grands-parents, notamment mes deux grands-mères, les liens entre mes tantes/oncles et moi se sont resserrés. On voulait se prouver qu’on était toujours liées et soudées. C’est donc encore plus important pour moi aujourd’hui de pouvoir les revoir.

S’il est difficile de partir pour les Français, pour les Africains résidant en France, c’est mission impossible ! Un panorama des blocages africains de l’été à lire dans Le Monde Afrique.

 

Ne pas aller en Algérie, ça m’est déjà arrivé une fois à cause de problèmes financiers. Je l’ai mal vécu mais j’avais pris sur moi. Ce sont des choses qui arrivent et j’ai conscience que mon père fait déjà beaucoup pour nous. Mais, cette année, c’est frustrant de savoir que j’ai un billet et que, à cause d’une pandémie mal gérée par les autorités algériennes, je ne peux pas y aller. Ça, ça me met en colère : l’Algérie n’avait pas beaucoup de cas au départ mais, à cause d’une mauvaise gestion des restrictions sanitaires, elle vit actuellement son pic de contaminations.

Une claque de chaleur terrible, mais tellement agréable

Ne pas pouvoir aller en Algérie cet été, c’est me couper de la bouffée d’oxygène que j’attends toute l’année. Chaque année, j’ai l’esprit et le cœur en Algérie en pensant à quand je pourrais y retourner et m’y sentir bien. Voir mes proches, profiter de la chaleur familiale qui me manque ici. Voir leurs visages, entendre leurs voix, les prendre dans les bras, c’est un bonheur inexplicable. Ma maison là-bas me manque aussi ! Elle est plus grande que l’endroit où je vis, plus belle, elle est au bord de la mer. Le paradis sur terre quoi !

Chacun de mes voyages en Algérie m’offre une source de bonheur que rien ni personne en France n’arriverait à me procurer. Juste arriver à l’aéroport d’Alger et entendre les gens me parler en arabe me dessinent un sourire sur mon visage. Le meilleur des sentiments que je puisse ressentir, c’est quand les portes qui donnent à l’extérieur s’ouvrent face à moi. Je respire un bon coup, je ferme les yeux, je me prends une claque de chaleur terrible, mais tellement agréable. Ça y est, je me sens chez moi. J’espère qu’un jour je pourrais y retourner, définitivement.

Arrivé à 4 ans en France, Hafid a beaucoup déménagé mais s’est toujours senti seul et pas à sa place. C’est dans un quartier de Melun qu’il a fini par retrouver l’esprit de solidarité et de partage qui lui manquait depuis son départ d’Algérie.

En attendant, cet été, je compte continuer le sport et les sorties entre copines car nous sommes plusieurs dans ce cas de figure. Avec mes parents, nous irons sûrement passer une ou deux semaines en bord de mer, peut-être dans le Sud. Ce n’est pas l’Algérie, mais j’en serais plus proche qu’en restant à Saint-Denis !

 

Hanane, 20 ans, journaliste, Saint-Denis

Crédit Photo La ZEP // © Hanane

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3 réactions

  1. Je suis tombée par hasard sur cet article relayé dans un journal français et je dois dire qu’il m’a franchement choqué. Je viens moi aussi d’obtenir ma licence j’ai été bloquée en Algérie depuis mars avec mes enfants (j’y vivais depuis 5 ans par amour inconditionnel de cette terre), et je peux vous dire que j’aurai préféré le contraire. J’ai assisté impuissante aux décès de voisins qui n’ont pas été pris en charge correctement dans des hôpitaux, à un corps médical qui ne prend pas la peine de porter de masque ni mettre de gants quand j’emmène mon bébé se faire osculter et me rie au nez lorsque je leur fait la réflexion. Nous sommes restés confinés depuis mars jusqu’à début août où j’ai enfin pu être rapatrié. Alors je peux vous dire que ma fête annulée de licence, mon aïd non célébré, mon impossibilité de visiter mes proches en Algérie sont le cadet de mes soucis lorsque l’on sait que des gens meurent tous les jours par manque d’oxygène réel, de panne d’électricité dans des salles de réanimation, et d’une liste de centaines de médecins qu’on enterre le plus discrètement possible. La vie actuelle en Algérie ce ne sont pas des vacances, des fêtes et rassemblements familiaux puisque strictement interdits. Plutôt une angoisse permanente et la surveillance quotidienne des chiffres qui ne cessent de s’affoler. Oublier les chiffres officiels, les hôpitaux explosent, les gens succombent seuls chez eux, la crise est grave, le chômage a battu tous les records. Les cancéreux, les malades chroniques se voient refusés les soins car les médecins sont débordés quand d’autres n’ont pas fuit leur postes. C’est l’anarchie… Alors un chouia de décence quand on aime son pays, il y’a encore mieux à faire pour le soutenir à savoir participer aux levées de fonds pour soulager les malades et permettre aux hôpitaux de les recevoir…

  2. Cette annee 2020, avec sa pandemie, seul le confinement m’a confirme, que seul dieu l’omnipotent pourra changer le temps en un instant, voir faire taire la terre toute entiere en quelques heures. Et en un clin d’oeil pourra nous mettre dans l’issue de cette desuetude , nous conduire vers la foi et remplir nos coeurs de joie…

  3. […] billet provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un dispositif média d’accompagnement […]

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