Lucie G. 23/04/2020

Génération 2000 à l’épreuve des clichés

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Au lycée, sous prétexte qu'on était nés après 2000, on se faisait clasher par les 1995 et plus. Après, on s'est vengés en taillant nos cadets. Puis aujourd'hui, ils font pareil avec les leurs...

En 2016, notre arrivée au lycée a fait séisme. On était des 2001, nos aînés des 2000 moins. Il y avait à cette époque un mythe autour de la génération 2000 : on souffrait d’une immaturité et d’une précocité hors normes, expliquées par notre naissance dans un nouveau millénaire et par notre enfance maudite baignée dans les réseaux sociaux, Jul et les Marseillais. Les 95′ ? C’étaient les sages des temps révolus. Eux avaient vécu la vraie vie à la dure et à l’ancienne avec MSN, Skyblog, les vieilles consoles et le coup de boule de Zidane.

 

 

Au lycée comme sur les réseaux, les 1995-99′ nous descendaient : « Les 2001 au lycée ? J’savais pas que c’était une garderie… », « Des gamins prépubères qui connaissent rien du respect », jusqu’à des « Vous êtes une sale race. »

Des remarques comme ça, plus ou moins ironiques, fourmillaient de partout. C’était un phénomène ! Je me rappelle qu’Adèle, une 2001, avait fait une vidéo Youtube drôle sur le sujet, en soutien aux 2000. On se faisait tellement vanner de partout !

On n’avait pas vécu dans le même monde

On n’avait pas vécu dans le même monde. Heureusement, les grands étaient là pour nous rappeler, dans ces mêmes discours passionnément nostalgiques, le charme du bon vieux temps et comment après ça il n’y avait que néant.

Pour soutenir le mythe de la fracture générationnelle, il y avait notamment cette tendance Twitter de « Les 2000 ne connaissent pas […] » :

 

 

Il y avait aussi tous ces propos sur notre immaturité et notre irrespect, exposés comme des faits avérés. Parfois, j’entendais aussi que contrairement aux lignées d’avant, notre enfance avait été souillée par les écrans.

Une frontière si nette peut-elle exister ?

C’est vrai qu’on a toujours connu internet comme une norme. Vers 8 ans, je passais déjà trop de temps sur l’ordinateur familial à surfer. J’avais un Samsung en primaire, et un HP portable personnel sur lequel je passais des heures vers 11 ans. J’avais à peu près le même âge quand la vague des nouveaux réseaux sociaux est arrivée, et j’étais inscrite partout. J’envahissais Facebook de « YOLO » en référence à Drake, et sur Snapchat on faisait des selfies cul de poule et signe peace entre copines. ✌️✌️✌️

Hawa est née au début des années 90 et avec sa petite soeur, elle a vite senti le décalage : « Elle avait tant bien que mal tenté de comprendre sa petite sœur et l’énorme machine que constituent les réseaux sociaux, en vain. Elle devait se rendre à l’évidence, elle était devenue vieille. […] Cette vieille, c’est moi. »

J’entendais bien qu’on était d’une autre génération. Mais une grande partie des critiques venaient des 1998-99′. L’existence d’une frontière si nette me semblait tellement absurde…

Personnellement, j’ai connu les mêmes emblèmes générationnels que mon frère de 97. Les mêmes consoles, groupes de musique et dessins animés. On a aussi le même usage d’internet et des réseaux. Puis pour ce qui était de notre immaturité, il fallait la mettre sur le compte de l’âge.

Mais question de principe et de bon sens, puisqu’on n’avait rien connu du tout, et même pas le franc, il fallait qu’on soit reniés.

Puis les anciens, c’étaient nous

Le lynchage a fini par se calmer. Arrivés en première puis en terminale, les anciens c’étaient nous. À nous de faire la loi ! Et au tour des 2002+ de s’en prendre plein la figure…

 

 

Avec eux, pour moi il y avait une fracture, voire un mur en béton armé. Je tombais des nues face à leur naïveté sur la vie et à comment ils faisaient les fous. L’insoutenable, c’est quand j’entendais les 2003-04-05 écouter du Columbine 🕊️. Ils étaient nés de la dernière pluie et arrivaient comme un cheveu sur la soupe remuer les tombes de nos classiques ? « D’où tu connais ça toi ? » Les chevilles gonflées, on se disait parfois entre 2001 que la jeunesse vrillait.

Les clashs continuent

Maintenant, on est en 2020 et je vais sur mes 19 ans. J’ai fini par enterrer la hache de guerre avec mes aînés et mes cadets. Mais les 2002+ ont pris la relève et les clashs continuent.

Les 2004 seraient vraiment la pire génération, les 2005 sur Tiktok feraient pitié, à partir des 2006 ça deviendrait n’importe quoi, les 2007 seraient carrément une autre espèce et « qu’est-ce que ça donnera à l’adolescence… »

Ils taillent leurs cadets de l’exacte même façon dont les 2001, et avant eux les 2000, 99′, et 98′, taillaient les leurs.

 

 

Puis sans doute qu’un jour, quand l’adolescence ne sera qu’un reste de souvenir pour nous tous, les 1995-2010 s’identifieront à une même génération. Les semblants d’écarts d’une année à l’autre auront disparus car d’autres générations seront arrivées. Ce sera les 2020, les 2030… Ils seront tout frais et beaux, nés dans de nouvelles technologies qu’ils manieront parfaitement. On essaiera de se les approprier, sans trop voir notre ridicule et notre décalage. Là, ce sera la vraie fracture générationnelle.

Ce qui est probable, vu comment on est actuellement entre nous, c’est qu’à 30 ans on soit déjà derrière eux pour maronner et analyser leur génération. À leur rappeler la belle époque et que c’était mieux avant, et à quel point ils sont des p’tits cons. 😏

 

Lucie, 18 ans, volontaire en service civique, Paris

Crédit photo © Lucie

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