Basile B. 20/03/2019

Interpellé à 12 ans sans raison, ça m’a dégoûté des flics

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Je me souviens de ma toute première interpellation. J'avais 12 ans et rien à me reprocher.

Ma première interpellation, j’avais 12 ou 13 ans et j’avais rien fait de dingue. C’était un week-end à Aulnay-sous-Bois. Il était environ 14 h. C’était dans la résidence de la cité. Il y avait des gens de ma cité, des mamans, tout ça. Les gens ont vu que je me faisais contrôler. Mais sur le moment, c’est passé trop vite. On n’aurait pas pu m’aider.  

Dans chaque quartier, c’est la même !

C’était un simple contrôle, mais j’avais peur que ça parte en bavure parce que les grands de ma ville m’avaient prévenu. Plus jeune, j’avais déjà vu des flics interpeller des jeunes de 12-13 ans. À cette époque, j’étais con, je pensais que les flics faisaient leur travail, que c’était normal. Mais en fait, les policier s’en foutent de nous, ils peuvent te frapper, te gazer… Dans chaque quartier, c’est la même ! Il suffit juste que tu sois en survêtement et de couleur pour qu’il t’arrive un truc. Pour les keufs, il faudrait être en jean. Du coup, ça engendre de la haine, de la rage, de la colère.

Les policiers étaient en voiture. Je me souviens très bien. C’était une ancienne Renault. Elle existe toujours. C’était quatre flics. Une femme et trois hommes. J’ai vu qu’ils avaient appelé des renforts car un fourgon est arrivé après. J’ai su que j’allais me faire tabasser donc j’ai couru.

J’ai lâché mes sacs de courses pour courir

Il y a eu une course poursuite. J’ai lâché les sacs de courses. J’ai tout lâché en plan. J’avais l’adrénaline. Je ne sais pas combien de temps ça a duré. J’ai couru, couru… Je suis même sorti de la cité. J’étais du côté de Sevran. J’ai réussi à esquiver et j’ai couru le plus vite possible jusqu’à chez moi pour trouver refuge. Finalement, ils m’ont rattrapé et m’ont menotté devant mon père. Sur le moment, il n’a rien dit.

Après, ils m’ont mis dans le fourgon, m’ont étranglé, frappé, mis des claques. Surtout l’un d’entre eux, un rouquin. J’ai pissé le sang. Ça m’a laissé une cicatrice à la jambe.

Un documentaire France 3 sur les violences policières dans les quartiers est disponible sur Youtube. Ils en parlaient d’ailleurs récemment sur France Inter.

Ensuite, ils m’ont emmené au poste. Ils m’ont encore plus frappé. Au début, j’ai cru que j’allais crever. J’ai cru que j’allais y passer. Mais j’allais pas me laisser faire. Faut pas dépasser les limites. Je me suis défendu. Un peu. Mais ils étaient plus.

Je suis resté le temps que mon père revienne me chercher. Il m’a mis deux tartes dans ma gueule. Ensuite, il m’a lâché un coup de pied. Mais j’ai l’habitude. Aujourd’hui, mon père croit toujours que j’ai été violent. Il croit les policiers.

Si ça avait été un petit blanc du 16ème…

Les flics, je les aime pas. Je leur souhaite que du malheur. J’ai déjà à nouveau été confronté à eux. Moi, je fais le malin. Je parle bien et quand ils font une erreur, je leur dis et ça les énerve. Faut être plus malin qu’eux.

Peur, bêtise, manque de formation, sentiment d’impuissance… Qu’est-ce qui déclenche une violence policière ? Pour tenter d’y répondre, cinq jeunes d’Argenteuil racontaient dans Libération les brimades et les violences dont ils disent avoir été victimes de la part de policiers. À Argenteuil, les flics nous mettent à l’amende

À chaque fois que je vois la police, je me dis : « Fais attention, les keufs ont pas de pitié si t’es de couleur, même si t’es un enfant. » Je suis sûr que c’est à cause de ma couleur de peau. Si ça avait été un petit blanc du 16ème, ils n’auraient pas fait tout ça. Le pire, c’est que ce jour-là, j’étais juste allé faire les courses et acheter des médicaments pour mon père malade.

 

Basile, 15 ans, lycéen, Paris

Crédit photo Hans Lucas // © Karine Pierre

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2 réactions

  1. On peut pleurer ? Pauvre petite victime…

  2. 100% des interpellés sont innocent .

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