Lassba 02/03/2021

À 16 ans, livreur et décrocheur

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Lycéen, pour pallier mon manque d'argent, j'étais livreur ponctuellement. Je me suis vite dit que ce n'était ni un travail ni une carrière.

Si je n’ai pas d’argent, comment je vais vivre ? Si mes parents ne me donnent pas de sous, comment je vais faire ? Ce ne sont pas les gens qui vont me donner à manger. De toute façon, l’argent, on n’en a jamais assez. J’ai commencé à être livreur quand j’avais 16 ans. Je n’étais pas à l’école, j’avais arrêté un an avant parce qu’il me fallait de l’argent.

Comme j’avais vu des gens de mon quartier livrer à manger sur leur scooter électrique avec un top case, je me suis dit : « Pourquoi pas moi ? » J’ai décidé d’aller dans le restaurant le plus près de chez moi, c’était à Paris dans le 11e. Quand je suis rentré dans le restaurant pour leur demander s’ils cherchaient des livreurs, j’ai capté que je connaissais le patron. C’était un jeune de mon quartier, je l’avais déjà vu plusieurs fois. Je lui ai laissé mon numéro de téléphone et il m’a rappelé le soir-même pour me dire que je commençais le lendemain. Je n’étais ni content ni pas content… Ça ne va pas me rendre heureux non plus de travailler pour gagner 30 balles !

Livreur, pour moi c’est un passe-temps

Je suis allé le retrouver le lendemain à 11 heures. Il n’a rien eu besoin de m’expliquer, il m’a donné les clés du scooter et je suis parti livrer dans Paris. Il y avait écrit les adresses sur les sacs de commande. Je les mettais dans Waze. Après, je prenais mon temps pour livrer, je ne roulais pas trop vite non plus car je n’étais pas chronométré. Je faisais six à sept livraisons par jour, ça me prenait à peu près trois heures, le midi et de temps en temps le soir. En général, quand le patron avait besoin, il m’appelait. Ça a duré un mois, mais je ne travaillais pas tous les jours.

Les Délivrés est un documentaire tourné par Thomas Grandrémy qui donne à voir le combat des coursier.e.s à vélo pour leurs droits sociaux, bien souvent mis à mal par les entreprises de livraison de plats cuisinés.

Livreur, pour moi c’est un passe-temps. Il faut être sérieux quand on livre, mais ça ne te fatigue pas. T’es sur un scooter, tu roules toute la journée, tu livres, sans te fatiguer… T’as juste un truc à faire, c’est accélérer ou freiner. Ce n’est pas comme porter des cartons ou être cuisinier, par exemple.

Sans diplôme, qui va me prendre ?

Je n’ai pas eu besoin de m’inscrire ou de créer une auto-entreprise, ils me payaient cash. Le patron me donnait la paye à la fin, quand je finissais toutes mes livraisons, je gagnais 10 euros de l’heure. Ce n’était pas mal pour m’acheter à manger et des habits. Ça me faisait 200 ou 300 euros… mais ce n’était pas suffisant. En général, je dépensais tout.

Grégoire aussi a un passe-temps pour compenser les difficultés financières de sa famille : il cambriole. Une activité qui l’a déjà conduit plusieurs fois en garde à vue.

Pour moi, être livreur, ça n’était pas vraiment un travail. Ceux qui sont dans la livraison, je leur souhaite bon courage ! Moi, je ne suis plus dans ce domaine et je ne pense pas reprendre. J’ai arrêté au bout d’un mois, car j’avais d’autres projets. Plus tard, je souhaite travailler dans le commerce, dans la vente d’articles de sport plus précisément. Mais, sans diplôme, qui va me prendre ? Je n’ai même pas un CAP en commerce. C’est pour ça que j’ai arrêté les livraisons et que je suis retourné à l’école : pour pouvoir trouver un vrai travail.

 

Lassba, 17 ans, lycéen, Paris

Crédit photo Unsplash // CC Lucian Alexe

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