Coumba T. 05/09/2020

Je veux lutter pour toutes les excisées

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Mon excision est un traumatisme qui me cause toujours des douleurs... J'ai décidé de me battre pour toutes celles qui, comme moi, ont été mutilées.

À mes 8 ans, j’ai su que j’avais été excisée bébé. On ne me l’a pas annoncé. Je savais que j’avais été excisée parce que toutes les filles autour l’étaient aussi et que je voyais qu’on excisait chaque nouveau-né. Alors j’ai pensé que c’était normal, que toutes les femmes du monde le faisaient et qu’il fallait en passer par là pour devenir une femme.

À mes 10 ans, quand ma sœur est née, j’ai vu une grande différence entre elle, qu’on venait d’exciser, et moi. J’ai demandé à ma mère ce qu’il s’était réellement passé lors de mon excision. Ma mère m’a fait savoir que, après mon excision, j’avais perdu beaucoup de sang. Elle et ma grand-mère avaient eu peur de m’amener à l’hôpital parce que ce n’était pas autorisé, donc elles avaient décidé de rester avec moi à la maison. Quelques jours plus tard, elles avaient eu peur de me toucher. Ça avait repris une autre forme, parce que mon corps était trop fragile. Ma grand-mère a pris la décision de refaire mon excision une deuxième fois. Elle avait honte de marier sa petite fille plus tard alors que son excision était ratée.

J’ai compris que ça ne sera pas un petit combat

Alors, j’ai demandé à ma mère pourquoi elles faisaient ça. Elle m’a répondu que toutes les petites filles sont mutilées. Pour plusieurs raisons liées aux croyances ou à la société, mais surtout pour contrôler leur sexualité. L’excision est censée empêcher les expériences sexuelles avant le mariage. Et, après les noces, les femmes sont ouvertes à nouveau. Après avoir eu ces informations, j’ai juré de lutter contre l’excision quand je serai grande.

Fatoumata a 22 ans. Excisée, elle en a fait le combat de sa vie. Elle tient aujourd’hui la chaîne Youtube Journal d’une Femme Excisée où elle partage son histoire, et ses conseils pour se reconstruire.

À mes 14 ans, j’ai décidé d’en savoir plus sur l’excision et cherché à savoir s’il n’y a que mon pays, le Sénégal, qui le pratique. À ma grande surprise, j’ai appris que vingt-neuf pays pratiquent l’excision en Afrique et au Moyen-Orient, et dans une moindre mesure dans certaines communautés en Asie (Malaisie, Indonésie, Irak, Pakistan) et en Amérique du Sud (Colombie, Pérou). J’ai compris que ça ne serait pas un petit combat. Tout ce que j’ai compris de l’histoire, c’est que cette tradition pousse souvent les parents à accepter de faire mutiler leur fille pour ne pas affronter les jugements. Pour eux, t’es comme un héritage.

Aujourd’hui, à 20 ans, mes parents veulent que j’aille voir un gynécologue. Ils regrettent ce qui m’est arrivé. Même pour eux ça a été un choc, parce qu’ils n’avaient pas vu un cas comme ça chez les autres filles excisées. Je ne les blâme pas. Mais j’ai peur d’y aller.

J’ai peur d’avoir des maladies

Beaucoup de petites filles meurent car l’excision se fait à la lame de rasoir dans des conditions hygiéniques déplorables sans anesthésie, sans désinfectant et ne sont pas suivies médicalement. Comme dans mon cas. Les gens qui font des excisions ne sont pas des sages-femmes, ils le font à la maison. Il n’y a pas d’ordonnance ou quoi que ce soit. Du coup, les infections et les maladies sont très fréquentes. À chaque fois que j’ai mes règles j’ai des douleurs, alors j’achète des Doliprane ou des Spasfon. Mais, au fond, j’aimerais bien découvrir s’il y a quelque chose. J’ai envie de connaître ce qu’il se passe, mais j’ai peur de le savoir, qu’on me dise que j’aie des maladies.

Mariata aussi a été mutilée. En vacances en Guinée, elle a été emmenée en brousse par sa tante. À 10 ans, elle ne pouvait pas se douter que c’était pour être excisée.

Je vis en France avec ma famille et, pour moi, mon combat contre l’excision vient de commencer. Pour l’instant, je sais que je ne peux pas faire grand chose parce qu’ici il n’y a personne qui la pratique. Mais, un jour, je retournerai au Sénégal pour lutter. Et raconter mon histoire, c’est une étape pour montrer aux gens que je suis la mieux placée pour lutter contre, pour expliquer les souffrances et les risques. Une première étape à franchir pour sauver les futures filles. Car rares sont les victimes qui osent en parler.

 

Coumba, 21 ans, en formation, Savigny-le-Temple

Crédit photo Unsplash // CC ActionVance

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