Youmna 09/04/2019

Victime de harcèlement, je me défends en militant sur Instagram

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Racisme, grossophobie... Aujourd'hui lycéenne, elle lutte sur Instagram contre les discriminations dont elle a été victime plus jeune.

Je vis dans une cité, dans le district le plus pauvre de Chevilly-Larue, avec des dealers et des racketteurs. Vous voyez, un peu comme dans les films américains ! Dans l’endroit où je vis, c’est la loi du plus fort, les plus faibles n’ont pas leur place. Toute ma vie, j’ai été victime de discriminations, racisme, grossophobie… Je me suis toujours cachée du regard des autres. Au collège, j’avais peur de savoir ce que les autres pensaient de moi, de comment ils me voyaient.

Je me revois encore au collège. Vous savez cette époque où vous ressemblez à un Grinch parce que la puberté n’a pas fait son boulot… Imaginez-moi : toute grassouillette avec des vêtements beaucoup trop larges, des couleurs sombres pour cacher mes formes, un visage joufflu. Petite anecdote : j’avais rasé un de mes sourcils avec une crème dépilatoire parce que je voulais être comme les adultes. Mais j’étais en fait un Grinch avec un seul sourcil !

Le jour de ma rentrée en cinquième, j’ai eu un déclic. Je ne sais pas comment ni pourquoi, mais j’ai décidé de changer de tactique : j’ai mis mes meilleures fringues, celles que je n’avais jamais osé mettre auparavant par peur des réactions. Je m’en rappelle comme si c’était hier, j’avais mis mon haut « Dora l’exploratrice » avec des paillettes et des franges, mon jean blanc que j’avais customisé moi-même avec des clous et mes bottes rose flashy compensées. Ce jour-là, j’ai demandé à ma mère de ne pas refaire mon sourcil parce que si je voulais faire réagir les gens, il fallait que je change mon image de chaton inoffensif par celle d’un loup (avec un sourcil en moins).

Laetitia Ky a transformé ses cheveux en arme de confiance en soi massive : sur Instagram, elle les scuplte pour donner de la visibilité aux femmes qui complexent sur leur cheveux, leur poids, leurs poils…

 

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#bodypositive #bodypositivity #selflove #selfacceptance #loveyourself #booty🍑 Story by @kadia_b I have always had a “bigger” butt, especially compared to the rest of my frame. Always, since the day I was born. It never really bothered me until it started bringing attention. Unwanted attention. Attention from my mom and aunties teasing me about it for as long as I can remember, Attention from other girls in the playground gasping laughing and asking if it was bothering or too heavy, Attention from boys in middle school asking me if they could touch it or if I could twerk, And after I went through puberty, Attention from men. Now, you would think that in a society where having a large buttock is praised and worshiped thanks to people like Kim Kardashian or Nicki Minaj, and that I should feel lucky to have one naturally. I don’t. My body was not a trend and I had to tolerate people’s comments long before it became something likable on the eyes of the world. Growing up in Africa women with curves are considered more attractive and more beautiful, but the only thing I really felt like was objectified. That’s why I grew up hating my butt, I would wear long top to hide it and google all types of exercises to shrink it. But it never worked, because it was merely part of me. That’s when I came to the realization that the ass is not what I didn’t like, what people had to say about it, especially when no one asked, is what affected me. The unwanted attention. So I decided to stop caring, and fell in love with my body.

Une publication partagée par KY (@laetitiaky) le

Juste avant la sonnerie de 8h, je suis passée devant le groupe des trois filles « populaires », vous savez celles qui font des histoires et qui jugent grave les gens. Moi, dans ma tête, j’avais quand même un peu honte. Même si j’avais eu le déclic, c’était quand même dur de changer de style comme ça, surtout que c’était vraiment exagéré. Ce matin-là, je suis sûre qu’elles ont parlé de ma tenue. D’habitude, ça m’aurait fait pleurer mais là je suis juste partie, avec une démarche fière. C’est bon, l’ancienne Youmna n’était plus de ce monde, la nouvelle était née !

J’ai décidé de militer contre les discriminations dont j’ai été victime au collège

Maintenant, je suis au lycée, j’ai bientôt 16 ans et je ne suis plus du tout la même fille qu’avant. La puberté a enfin sonné à ma porte : j’ai énormément grandi, perdu 20 kg, pris des formes plutôt enjôleuses. Maintenant, je suis du côté des « comme tout le monde ». Disons que si « la norme » était une personne, la nouvelle Youmna s’en approcherait plus que l’ancienne.

Avant, on me mettait dans le même sac que les ringards, maintenant j’ai un groupe d’amis plutôt engagés. Ma meilleure amie défend la cause LGBT, une autre milite contre le harcèlement sexuel et encore une autre est très ouverte sur la question des sexualités. Et moi là-dedans, j’ai décidé de militer contre les discriminations dont j’ai été victime au collège, et même plus encore ! C’est mon compte Instagram qui m’a permis de dénoncer tous les harcèlements dont mes amies et moi avons été victimes.

Jennifer aussi s’est mise à militer au lycée, pour défendre son ami Noa qui, au collège, a subi toutes sortes de moqueries. Noa est transgenre et ça l’a poussée à s’engager, comme alliée ! En 2017, elle a rejoint le MAG, une association pour jeunes LGBT.

Sur ce compte suivi par 400 followers, je partage ma vie, mes passions, mes photos professionnelles. Mais ce qui le rend si fort, ce sont mes publications « coups de gueule ». Ces publications sont vraiment très spontanées. Par exemple, le jour où j’ai posté ma publication contre la grossophobie, j’étais dans le centre commercial de Thiais pour faire du shopping, je suis rentrée dans le magasin Bershka et je me suis rendu compte d’une chose : les grandes tailles sont difficiles à trouver et les fringues sont faites principalement pour les filles minces qui veulent avoir un style « loose ».

Alors je suis rentrée chez moi et j’ai écrit ça :

« Le sentiment de ne pas être à la hauteur et d’être en dessous de tout. Entrer dans un magasin où les vendeuses te fusillent du regard, rient entre elles parce qu’elles sont persuadées que tu ne trouveras pas ta taille. Les larmes qui montent aux yeux, parce que tu es, et resteras la dernière à être choisie dans les équipes en sport. Ce sentiment de gêne quand un garçon qui te plaît regarde avec envie ta copine « mince » et qui prend même pas la peine de te saluer. La peur de ne pas plaire parce que la plupart des mecs fantasment sur des filles filiformes. Haïr cette société qui nous montre ce à quoi nous devons ressembler pour se faire accepter. Essayer tous les régimes possibles et ne pas y parvenir. Ne plus avoir d’espoir de trouver un jour l’amour. Se sentir différente des autres filles. La honte de se mettre en sous-vêtements devant son copain, et en maillot devant ses amis. Vous me comprenez ? Faire une taille 44 de nos jours, c’est défendu, anormal. »

Et c’est à partir de cette publication que mon compte est devenu une succession de coups de gueule. Mes publications ont pu aider beaucoup de mes amies qui se sentaient mal physiquement et qui ont maintenant le sentiment de ne plus être seules dans ce qu’elles vivent, alors je suis très contente.

Vous savez quoi ? Avant, les filles populaires me harcelaient, maintenant elles m’envient et me suivent. C’est assez ironique comme situation non ? Si vous voulez que les gens aient confiance en vous et vous lâchent, ayez confiance en vous-même. Moi, le jour de la rentrée avec mon monosourcil, j’ai décidé de faire de ma peur une force et de ma faiblesse une arme.

Youmna, 15 ans, lycéenne, Chevilly-Larue

Crédit photo Unsplash // CC Jessica Podraza

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1 réaction

  1. Bravo Youmna !
    Belle leçon de vie !
    J’aimerais entrer en contact avec vous si vous êtes d’accord?
    Vous pouvez me contacter via ma page FB
    @veroniquevideaumartinezauteur
    Merci et bonne fin de journée !

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