Thomas T. 06/04/2016

Ma vie d’artiste bien loin de l’image du poète romantique

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Le statut d'intermittence quand on réussit à l'obtenir on fait tout pour le garder. Alors être artiste ce n'est pas la bohème hein ! Comme dit Thomas, faut s'accrocher.

Après des études de philosophie et de musicologie, et d’accompagnement au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, j’ai la chance, depuis plusieurs années, de vivre de la musique. Assez bien d’ailleurs !

« Des nains sur des épaules de géants »

Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Au quotidien, cela ressemble à une course effrénée entre des emplois permanents (le plus souvent comme professeur, et dans mon cas aussi comme chef de chœur et chef de chant), beaucoup de projets ponctuels (concerts, mais aussi interventions, répétitions) et tout un arrière-plan administratif, moins connu, mais indispensable. En effet, l’artiste, celui « qui vit de sa passion » est souvent loin des images d’Epinal montrant un poète romantique abandonné ou un Schubert délaissé : c’est quelqu’un qui sait être fiable, inspirer confiance, porter des projets, trouver sa place, alléger la charge d’un chef ou d’un employeur… En quelques mots : se vendre, souvent avant même d’avoir pris conscience de la dimension d’un projet, avant même d’avoir vérifié ses disponibilités, avant même d’avoir écouté son corps pour connaître son état de fatigue…

Et pourtant, chaque matin, on se relève avec des rêves. Dans mon cas, le rêve que la musique dite savante, pourtant à bien des égards « inutile », puisse servir à quelque chose : c’est ce que j’essaie de faire, chaque heure où j’enseigne, chaque heure où je dirige. Apporter une élévation, une joie par l’étude consciencieuse ; rappeler aux hommes, par la lecture d’anciennes partitions, que nous sommes « des nains sur des épaules de géants » ; oublier certaines choses, prendre conscience d’autres, par un moyen (la musique) à la fois direct et détourné.

Artiste, sans cesse prestataire

Comme certains autres professionnels, il est du coup difficile de faire la part des choses : vivre « de sa passion » veut dire aussi vivre (ou risquer de vivre) continuellement dedans. Mes collègues gèrent différemment ce rapport à soi et à l’art : certains réussissent à cadrer énormément les choses et à construire une vie à côté, d’autres assument (plus ou moins bien) l’aspect solitaire, certains enfin s’y perdent ; tous, je crois, partagent malheureusement un certain individualisme contraint, une certaine anxiété que je résumerais ainsi : comment être refusé sans être refusé ? En d’autres termes, comment accepter que son travail puisse ne pas être apprécié, sans cesse à améliorer, quand ce travail représente votre vie présente ?

On pourrait dire que la vie d’artiste est un condensé, à étudier, des nouvelles formes de travail, sans cesse prestataire, sans cesse dans des configurations différentes, avec des demandes parfois contradictoires et des employeurs souvent différents… Et en même temps, une liberté formidable grâce au système de l’intermittence, grâce aux aspects de travailleur indépendant, grâce aussi au sujet d’étude : des partitions, des traditions, un ou plusieurs instruments ; des choses passives, qui n’attendent que notre investissement pour intégrer la réalité.

 

Thomas T., 26 ans, artiste, bénéficiaire de l’intermittence du spectacle, Paris

Crédit photo Gratisography

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