Tabish H. 29/07/2020

Apprendre le français, je l’ai fait !

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Quand Tabish est arrivé en France, il a dû apprendre la langue, et vite. Malgré les cours à l'école et l'aide d'associations, le chemin est encore long.

Fin 2017, quand je suis arrivé à Paris d’Afghanistan avec mon petit frère, je ne parlais pas un mot de français. Je parlais le dari, comme ma mère, et le pachto. Grâce aux associations, aux cours de langues, aux classes spécialisées et à mon travail, je peux aujourd’hui continuer mes études en France.

Au début, je communiquais avec les Afghans. Ils m’ont montré une association pour les mineurs étrangers à La Chapelle. Avec les gens de l’association, je communiquais en anglais parce qu’ils n’étaient pas afghans. L’association m’a envoyé dans des classes avec des bénévoles pour apprendre le français : deux heures, deux ou trois fois par semaine. C’était rue Archereau, sur la ligne 7 du métro à la station Crimée. On était juste quinze élèves. J’avais 16 ans mais les autres élèves étaient majeurs. C’était vraiment trop dur pour moi parce que c’était une nouvelle langue. L’accent, c’était trop difficile à comprendre, et le « r » et le « g », tellement difficile à dire.

Mon accent faisait rire tout le monde

Grande surprise pour moi, dans cette classe, j’étais le seul Afghan, les autres élèves venaient d’Afrique. En plus, ils parlaient déjà français. Quand je commençais à parler anglais, la prof m’arrêtait et elle me disait : « En français, s’il te plaît ! On n’est pas en Angleterre, si tu veux apprendre le français, il faut parler français ! » Mais quand je commençais à parler français, les autres élèves se moquaient de moi parce que j’étais plus nul que les autres. Mon accent faisait rire tout le monde. C’est ça qui m’énervait !

Des fois, je voulais quitter la classe parce que j’étais toujours tout seul. Mais après je pensais : « Toute la France parle la même langue, alors je fais quoi ? J’aurai encore plus de difficultés si je pars. » Alors, après la classe, j’ai travaillé à la « maison » pendant un mois, tout seul. Enfin, « chez moi »… dans l’hôtel où j’étais hébergé. Je travaillais sur les mots : je les cherchais, je les traduisais en anglais. Et je révisais dans ma tête. Je progressais un peu.

L’application gratuite J’APPrends, sortie en 2019, est un support d’apprentissage du français pour les migrants qui arrivent en France. Un outil qui peut s’avérer très utile pour eux !

Un mois plus tard, une prof bénévole a décidé de m’envoyer faire un examen de langue au Casnav (Centre académique pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs) et j’ai réussi.

L’histoire du chocolat. J’ai rien compris !

J’ai commencé l’UPE2A (Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants) en mars, c’était une classe pour étrangers au lycée Alexandre Dumas dans le 15ème arrondissement. En tout, j’y suis allé un mois et demi à cause des vacances et du stage. Le premier cours, on a travaillé sur l’histoire du chocolat. J’ai rien compris !  La prof parlait très vite, je pensais : « Madame, s’il te plaît, arrête ! »

J’avais des cours de français, d’anglais, d’histoire/géographie, de sport, d’informatique, etc. Mais, le grand obstacle pour moi, c’était les cours de français. Quand les professeurs parlaient, je ne comprenais rien !

Après trois mois à l’UPE2A, j’ai passé l’examen A2. C’était difficile. Il y avait une dictée, des exercices de compréhension, un oral… et un exercice où il fallait écrire soixante mots. Comme j’avais pas progressé beaucoup en trois mois, j’ai réussi à écrire que 50 mots. Mais j’ai quand même réussi l’examen !

Une grande cible dans ma vie : faire du commerce international

Après les résultats, la professeure principale m’a proposé d’aller en lycée général parce que j’avais des bonnes notes à l’UPE2A. C’était à Henri Bergson dans le 19e. Je suis arrivé en seconde générale et ça s’est bien passé mais c’était super dur de communiquer avec les élèves parce qu’ils utilisaient beaucoup de mots que je ne connaissais pas. Aussi, les cours de littérature étaient très compliqués pour moi.

J’ai demandé à changer de lycée parce que je n’arrivais pas à progresser en langue tellement c’était difficile. Aujourd’hui, je suis en bac professionnel commerce au lycée Pierre Lescot et, maintenant, ça va. Avec deux, trois élèves ça va parce qu’ils sont calmes, ils essaient de me comprendre et les profs m’aident. Si je ne comprends pas, les profs m’expliquent plusieurs fois après les cours si besoin.

Yacine manie très bien le français et dans plein de milieux différents. Entre la cité, ses potes de Paris et ses collègues, il traverse les classes sociales.

Aujourd’hui, j’ai toujours beaucoup de problèmes avec le français mais je sais que, pour apprendre une langue, on a besoin de beaucoup de temps… j’ai encore besoin de temps pour progresser. J’ai peur pour continuer mes études parce que c’est toujours la même langue mais, à côté de ma peur, j’ai une grande cible dans ma vie : je veux faire du commerce international. Parce que je parle déjà plusieurs langues et j’ai envie d’en apprendre d’autres.

Même si ce n’est pas facile, avoir un objectif en tête, ça me donne du courage et me fait oublier ma peur. Comme on dit en anglais, « Sometimes, problems are not too big, we are too small because we cannot handle them. » : « Parfois, les problèmes ne sont pas trop grands, nous sommes juste trop petits pour y faire face. »

 

Tabish, 18 ans, lycéen, Paris 

Crédit photo Unsplash // CC Mert Kahveci

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1 réaction

  1. Que de chemin parcouru ! Félicitations. L’apprentissage d’une langue est toujours long et bien souvent fastidieux (compliqué, semé d’embûches). Bravo à toi de t’accrocher. Je peux seulement te conseiller, comme je le ferais à des français : lire et lire encore, chercher les définitions des mots que tu découvres, de continuer à apprendre, en gros.
    Qu’importe l’accent (on en a tous un après tout !), tu essayes et c’est déjà plus que certains. Je te souhaite de réussir.

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