Lise C. 04/12/2019

Multi-dys : à 21 ans, j’ai enfin mon orientation en main

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Dyslexique, dyspraxique et dyscalculique, Lise a longtemps subi son orientation. À l'École de la Deuxième Chance, elle est en bonne voie pour faire son métier de rêve : maquilleuse.

À 21 ans, j’ai décidé de me reconvertir dans ce que j’aime vraiment, le maquillage. On m’a imposé le métier que je devais faire à cause de mes difficultés. Je suis dyslexique, dyspraxique et dyscalculique. Longtemps, c’était difficile pour moi de me repérer dans l’espace. J’avais peur de me perdre, de ne pas trouver mon chemin. Avec l’heure aussi, j’avais du mal. Et à l’école, j’avais des difficultés en maths, en compréhension de consignes, et en orientation.

Au collège, les professeurs avaient convoqué mes parents pour leur dire que ça n’allait pas. Leur solution, c’était que je change de collège pour aller en Segpa… Le collège m’a imposé ça, pour m’aider sur un avenir professionnel que je n’ai pas décidé.

Puis je suis entrée au lycée professionnel pour faire un CAP ATMFC (Assistant technique en milieux familial et collectif). Le métier préparé, c’était travailler comme aide en maison de retraite ou à domicile, ou dans les restaurants scolaires. Avec mes problèmes d’orientation, il était préférable que mon travail soit à côté de chez moi. J’étais toujours chez moi. Je n’étais jamais partie toute seule quelque part, et c’était pas envisageable. Après le lycée, j’ai continué à faire des stages en maison de retraite avec Pôle emploi, parce que je trouvais pas d’emploi.

Mon dernier stage, c’était deux semaines dans une maison de retraite à côté de chez moi. Je me suis rendu compte que les tâches étaient pénibles à faire, que c’était beaucoup trop répétitif. Tous les matins, je devais préparer le petit-déjeuner, nettoyer les récipients, préparer les produits pour le ménage, ramasser les plateaux, faire le ménage…  J’ai alors eu peur de le regretter plus tard en faisant un métier qui ne me convenait pas, et de passer à côté de quelque chose qui me correspondait. Après ça, j’ai complètement arrêté.

« Pourquoi pas reprendre tes études pour devenir maquilleuse ? »

Au cours de mon avant-dernier stage, ma maman m’a dit : « Pourquoi tu veux pas reprendre les études pour devenir maquilleuse ? » Elle m’a dit que j’étais faite pour ce domaine, car ça me correspondait plus que de travailler avec les personnes âgées. Le maquillage et le cosmétique, c’est ma passion depuis le collège. Ma famille m’a aussi encouragée, ils étaient du même avis qu’elle. Mais je pensais qu’il fallait que je retourne à l’école pour ça. Et comme je n’aimais pas l’école, avec les profs qui écrivaient n’importe quoi sur le bulletin et mes parents qui m’engueulaient… Et puis ma mère m’a dit en décembre 2018 : « Tu devrais en parler à ta conseillère Pôle emploi. » 

Réussir dans le cadre scolaire quand on a des troubles « dys », c’est compliqué. En France, on estime que 5 à 7 % des enfants d’âge scolaire seraient concernés. L’émission culte « C’est pas sorcier » est allée rencontrer ces enfants dans leur quotidien.

 

Du coup, je suis allée voir ma conseillère Pôle emploi. Elle ne m’a pas mis de barrières, elle m’a dit que c’était pas impossible à faire, et elle m’a directement dirigée vers la mission locale. Au bout du troisième rendez-vous à la mission locale, ma conseillère m’a parlé d’une réunion d’information à l’E2C (École de la Deuxième Chance) de Melun. L’E2C est une école pour aider les jeunes qui n’ont pas de diplôme à avoir un projet professionnel, mais aussi à faire des stages pour découvrir des métiers. Et ensuite, soit à trouver une formation, soit un travail. Après deux entretiens passés avec le directeur de l’E2C, on m’a annoncé que j’étais prise, alors que j’avais un diplôme. J’avais réussi à les convaincre avec mon projet ! Marie-Laure, la secrétaire, avait aussi téléphoné à ma mère pour lui demander si j’étais vraiment motivée. Ma mère a dit : « Oui, c’est son seul espoir pour vraiment faire ce qu’elle veut. »

Le jour où l’E2C a commencé, c’était en avril 2019. Au départ, je ne voulais pas trop y aller car je voulais pas prendre les transports. Mes parents ne pouvaient pas m’emmener. J’habite à côté de Fontainebleau et le premier jour où j’étais venue à l’E2C, je m’étais perdue dans Melun, je n’y étais jamais allée. Mais mes parents m’ont dit « non t’y vas » et ils m’ont forcé à prendre le train, donc j’y suis allée.

Je me suis sentie à ma place et épanouie

En mai 2019, j’ai commencé par un stage de 15 jours chez Marionnaud, puis un mois chez Sephora, une marque que j’aime bien. Mes stages à Paris, je les ai trouvés toute seule. Quand je suis allée donner mon CV dans la boutique Marionnaud, l’employée m’a direct dit qu’elle était intéressée par moi. Mes stages se sont très bien passés, j’arrivais à aller vers les clients pour leur demander s’ils avaient besoins d’être conseillés sur un produit ou du make-up, ou même sur un parfum. Je faisais de l’accueil en boutique, je me sentais à ma place et en même temps épanouie. Je me suis intégrée dès le premier jour dans les équipes de travail. Depuis, j’ai plus du tout de problèmes dans les transports, je prends le train, le métro. Avant, quand j’allais à Paris, c’était toujours avec mes parents. Maintenant, quand je vais à Paris, j’y vais toute seule.

Chloé a souvent été rabaissée à cause de sa dyslexie. C’est en intégrant un CAP, et surtout en partant travailler à Malte qu’elle a réussi à en faire sa plus grande force : « Dyslexique, c’est après les études que j’ai capté ce que je valais »

Mon projet, c’est maquilleuse dans le cinéma. J’ai eu un stage d’une semaine avec une professionnelle qui nous a montré le métier, avec les techniques de make-up pour un spectacle. Mais pour ça, il faut avoir avoir un book photo avec les maquillages réalisés, et l’école coûte chère.  Elle s’appelle ITM (Institut Technique du maquillage) et coûte environ 7 000 euros. Donc d’abord, je veux devenir conseillère en cosmétique et make-up. Mon prochain stage, je vais le faire chez l’Occitane en Provence pendant un mois. J’aimerais faire d’autre stages dans d’autres enseignes, et je veux ensuite faire une formation de conseillère. Après, je trouverai un emploi en boutique pour mettre de l’argent de côté, pour pouvoir rentrer dans cette école de maquillage. Bref, 2019 pour moi, c’est l’année où j’ai appris à me débrouiller toute seule !

Lise, 22 ans, stagiaire à l’E2C, Melun

Crédit photo Unsplash // CC Nazym Jumadilova

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