ZEP 16/04/2018

Militante, j’ai lancé l’occupation de ma fac !

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Je partage mes journées entre le centre Saint-Charles et le campus de Tolbiac. Cours alternatifs, conférences, auto-gestion et militantisme. Mon engagement est une forme d'apprentissage.

Je suis en licence au centre Saint-Charles, une annexe de la Sorbonne, dans le 15ème. Dès qu’on a vu que la mobilisation étudiante prenait de l’ampleur, on s’est motivés. On s’est rejoints pour faire une banderole, avec les deux autres instigateurs, on a aussi fait des tracts, des assemblées générales (AG). Les gens ne sont pas très politisés au centre alors après des heures de tractage pour les renvoyer vers Tolbiac, on a décidé de bloquer. D’abord, on pensait qu’on bloquerait juste une salle puis on s’est dit «Pourquoi on ferait pas comme à Tolbiac ?» En quelques heures, on avait une cuisine, des barricades pour le lendemain et voilà ! Depuis, j’alterne entre là-bas et Tolbiac.

On a décidé de l’occupation en AG. Les premiers jours, c’était un peu bancal. C’est beaucoup d’organisation une occupation, surtout à Tolbiac : on n’a plus de courant, les prises des amphis ne fonctionnent plus. On s’est repliés sur quelques prises dans le hall. Ils refusent de nous changer les fusibles. Mais c’est quand même sympa !

Chacun est responsable et s’autogère.

Dans la journée, selon la commission où on est, on fait des choses différentes. On essaie de se réveiller tôt pour accueillir les intervenants, pour préparer les activités, les débats, les cours, la cuisine, le ménage. Généralement, on en profite pour faire une réunion d’occupation.

Le midi, une commission cuisine fait à manger à tout le monde. Puis, l’après-midi, tout le monde est réveillé et opérationnel pour organiser des cours alternatifs et des débats.

Le soir, pareil. On mange tous ensemble et on se détend un peu ! C’est le moment où y’a plus d’activités. Hier soir par exemple, y’avait une grosse soirée : on sort les bières. L’alcool fort est interdit, mais c’est difficile de vérifier que tout le monde respecte les règles : hier, on était 200. Le plus difficile, c’est qu’on n’est pas là pour se placer en tant qu’autorité. Chacun est responsable et s’autogère.

Généralement, je suis à Saint Charles. Là-bas je me suis mis au pôle communication : on a recruté beaucoup de nouveaux jeunes pas vraiment politisés et donc j’essaie de les informer. Je suis dans les trois personnes qui ont lancé le mouvement. Je ne me place pas en leader, mais je gère la crise !

Apprendre à être militante et le faire !

La mobilisation, ça compense le savoir que je ne peux pas acquérir. La partie la plus importante, c’est les débats. On est tout le temps en train de parler militantisme. On ne fait que ça ! À Saint-Charles, pendant que j’étudiais, j’avais des cours académiques et je parlais à cinq personnes alors que là, on communique entre nous, on apprend plein de choses sur les luttes sociales, on développe un savoir collectif, une culture militante qui se forme et se répand.

Et même les cours qu’on organise, c’est super ! Après, vu qu’ils ont fermé les grilles, les maîtres de conférence font souvent demi-tour quand on leur dit d’escalader. À Saint-Charles, c’est plus facile parce que s’ils nous enferment, on est vraiment enfermés dedans ! Donc ils laissent ouvert et on a plein de cours alternatifs ! On invite des cinéastes ou des plasticiens qui ne sont pas profs normalement. Certains profs du centre qui soutiennent le mouvement donnent aussi des cours plus librement, on fait plus de pratique. On va sûrement faire une fresque à Tolbiac !

Etudiante à la fac de Nanterre, Ilona s’est engagée dans les manifestations de 2018 contre la loi Vidal. La découverte de l’engagement politique, de l’action policière, du traitement médiatique lui a ouvert les yeux.

Je ne m’inquiète pas pour mon année. De toute façon, vu les heures de tractage que j’ai faites avant même de bloquer, j’étais mal barrée ! Je pense qu’ils vont valider nos années, comme à chaque fois. Y’a jamais une mobilisation où ils laissent les gens dans la merde : généralement, c’est note minimale assurée, expansible si on a plus !

La sélection, Parcoursup, ça ne me concerne pas vraiment, c’est plus les histoires de compensations et des rattrapages qui vont me faire très très mal. C’est juste que… je ne me vois pas ne rien faire en étant contre la réforme, je ne pourrais pas me regarder en face. Et si je ne fais pas ça, je fais quoi ?

 

Lorenz, 20 ans, étudiante, Paris

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