Dieumerci 02/02/2018

Du Congo jusqu’en France, ce parcours du combattant m’aura pris 4 ans !

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Accompagné de mon frère et de ma mère, j'ai tout fait pour rejoindre la France, dans l’espoir d’y trouver une vie meilleure. Un trajet de quatre ans... semé d’embûches.

Ça a commencé par trois jours dans le désert à l’arrière d’un camion, coincé entre des hommes, des femmes et leurs enfants qui pleuraient. La tempête remuait le sable. Nous n’avions rien à manger, juste de l’eau. Je venais de quitter le Congo, avec ma mère et mon petit frère. La politique là-bas était trop dure, la police nous maltraite, les manifestations sont très violentes.

À l’arrière de ce camion, on est passé par le Mali et l’Algérie. Dans le désert, on a croisé des rebelles, c’est eux qui nous contrôlaient dans le camion, des armes à la main. Ils nous disaient : « Si vous n’êtes pas Maliens, vous êtes morts. » Finalement on est arrivé à Nador au nord du Maroc. Là on a été maltraités. On était dans un camp. On a dû rester presque trois ans. Pour manger il fallait demander de l’aide à des associations.

Un jour, on a traversé la forêt et on a réussi à aller jusqu’au bord de la mer. On est montés dans un zodiac avec 45 personnes. Dès qu’on est parti, l’eau est rentrée dedans, j’ai entendu des gens crier, moi je voulais sauter parce que j’avais peur que les vagues nous renversent. Ça a duré sept heures. J’ai vu la mort en face.

Quand le bateau est arrivé sur une île espagnole, je suis tombé dans l’eau. J’ai crié au secours, je ne sais pas nager. Un gars m’a tendu la main pour me remonter. Je frissonne à chaque fois que j’y repense. Je ne peux plus retourner dans l’eau, ni même à la piscine, j’ai trop peur maintenant. La Croix Rouge espagnole est arrivée sur la plage, ils ont appelé un bateau pour nous emmener à Almeria, une ville espagnole. Là-bas, ils nous ont enfermés trois jours dans une prison, en nous jetant des biscuits de temps en temps et de l’eau, mais rien pour se laver. Après, ils nous ont mis des menottes et ils nous ont emmenés dans un bus jusqu’à Tarifa, pour les hommes, et les femmes dans un autre endroit. On avait aucune nouvelle de notre mère. Ils nous ont mis dans un centre. Ils nous ont donné des habits complets noirs, trop grands, qui ressemblent à ceux qu’on donne aux prisonniers.

On ne pouvait pas sortir, pour moi c’était un cachot. Même pour manger, on faisait la queue. La police nous surveillait puis nous faisait sortir pour prendre l’air malgré le froid. Mon frère est sorti avant moi. Grâce à Facebook, j’ai pu le retrouver plus tard, il était à Algeciras dans un autre centre. Au bout d’un mois, j’ai eu un laisser-passer. Ils m’ont envoyé dans un autre village espagnol : Villanova. Les conditions n’étaient pas mieux, il faisait froid et ils nous ont donné des t-shirts d’été. Je ne connaissais personne et on me refusait de téléphoner. Encore trois mois.

Quand j’ai enfin pu partir, j’ai pris la direction de Madrid. J’ai rejoint un vieux que je connaissais du pays. Je suis resté deux semaines, avant de prendre un train avec mon petit frère. On a retrouvé notre mère qui était déjà à Paris. Enfin. Ça nous a pris presque quatre ans pour arriver en France.

 

Dieumerci, 18 ans, accueilli à l’ASE

Crédit photo Flickr // CC Matt Brown

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