Quentin D. 18/10/2019

J’allais voir mon père sans savoir où il habitait

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Au chômage, passant d’un canapé chez des amis à une voiture sur un parking… j'ai souvent vu mon père en galère de logement.

Depuis quatre ans, je vois mon père un week-end sur deux. Le reste du temps, je suis chez ma mère à Clichy. J’ai souvent connu mon père au chômage. J’ai jamais réellement compris sa situation parce qu’il m’en parlait pas. À chaque fois que je posais la question, il me répondait : « C’est personnel. » Alors je ne cherchais pas, l’important c’était de profiter du temps ensemble. Mais je pense qu’il n’a jamais réellement eu de travail.

Il n’avait pas de logement non plus. Quand j’allais le voir, c’était souvent chez quelqu’un d’autre. Des fois, on allait chez son amie, chez qui il est resté un ou deux mois avant qu’elle déménage dans le Sud. Après, il s’est trouvé un logement pendant un mois ou deux encore, mais il a dû partir car il ne pouvait plus payer.

Pas le choix, sinon c’était la rue

Après, il est allé vivre chez sa copine, mais ils se sont séparés au bout d’un an. Il a dû aller chez sa sœur à Arcueil, mais c’était vraiment le bordel chez elle… Elle buvait et était malade, son fils fumait du shit. J’suis resté qu’un week-end, mais j’ai bien vu que c’était la merde. Mon père n’en pouvait plus, il a fait une dernière nuit dans sa voiture et après, il s’est cassé chez son pote à Grenoble.

Selon une étude récente de l’INSEE, 15% des français seraient pauvres ! Un chiffre en hausse qui ne prend même pas en compte la suppression de l’ISF, qui, comme le précise Libération, aurait profité aux plus riches…

Il n’avait pas vraiment le choix, sinon c’était la rue. Il est resté chez son pote pendant un mois, à Grenoble. Là, j’ai seulement pu aller le voir pendant une semaine, pendant mes vacances. Puis, il y a un an, il a trouvé une chambre dans un petit hôtel. 10m2 qu’il pouvait se payer, à Gentilly. L’inconvénient là-bas, c’est que c’était interdit de cuisiner dans la chambre, et la douche et le WC étaient communs. Ça ne nous dérangeait pas trop, le seul véritable problème c’est qu’il n’avait pas le droit d’héberger quelqu’un dans sa chambre d’hôtel. Je devais rentrer discrètement à l’abri des regards si je voulais passer le week-end chez lui.

Cet article fait partie de notre recueil « Moi JEune, les précarités telles que je les vis, telles que je les vois » !

Depuis six mois, il habite à Arcueil dans un HLM. C’est tranquille, pas trop cher. Il m’a dit qu’il s’y plaisait. Malgré tout, mon père a toujours fait en sorte de me cacher son manque d’argent. Il m’emmène souvent au cinéma à Montparnasse ! On passe toujours de bons moments. Je pense que c’est ça ce que ça veut dire, « l’argent ne fait pas le bonheur ».

 

Quentin, 16 ans, lycéen

Crédit photo Flickr // CC Thomas Hawk

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