Fatoumata D. 15/01/2018

Les mangas m’ont permis de m’intégrer

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En CM1, pour faire plaisir à une nouvelle copine, j'ai commencé à lire des mangas. Pas le choix, il fallait bien s'intégrer ! Surprise : j'ai aimé. Beaucoup. Étudiante, j'en ai conscience : les mangas font aujourd'hui totalement partie de moi. Mieux, ils me permettent d'affirmer ma personnalité, de me distinguer.

Les séries mangas, au début, c’était pas trop mon délire. J’habitais à Rodez, dans le sud de la France, mes loisirs, c’était plus sortir avec mes frères et sœurs, mes amis. J’ai déménagé à Rouen. A 9 ans, nouveaux amis, nouvelle école. De la maternelle au CE2, j’avais avant l’habitude qu’il y ait dans mes classes des Maghrébins, des Noirs et quelques Blancs. Mais là, dans ma nouvelle classe de CM1, j’étais la seule Africaine. Pas de Maghrébin, pas de Métisse. J’ai vu une fille antillaise. Direct j’ai sympathisé avec elle. Pour m’intégrer je devais être comme toutes ces personnes. Ma nouvelle copine aimait beaucoup les mangas, c’est elle qui m’a fait goûter à cet univers en me racontant ce qu’elle regardait et lisait parfois. Du CM1 à la 5ème, on a toujours été dans la même classe.

Ma grande sœur avait été la première à me faire regarder une série manga japonaise, mais je n’y avais pas trop fait attention. Je me rappelle de la fois où ma copine m’a dit : « Alors, tu regardes quoi comme mangas ? ». Pour ne pas la décevoir, j’ai raconté celle que ma sœur m’avait montrée. Elle était trop contente, elle a crié : « Ouais ! Je connais, c’est Hana Yori Dango ! ». J’ai répondu un vague « Ouais », mais en réalité je ne connaissais pas le titre. Alors pour qu’elle m’apprécie de plus belle, je suis allée dans une bibliothèque et j’ai emprunté plusieurs mangas. Je lui faisais des comptes rendus à la fin de chaque livre et ce n’était pas une corvée pour moi. J’aimais vraiment les mangas. Plus encore les séries mangas que les livres. Mes parents se foutent de ce que je regarde tant que j’ai l’âge de regarder.

Au collège, fini les mangas

Mais tout le monde n’aime pas les mangas. Une fille dans mon école disait sans cesse : « Vous perdez votre temps à regarder des trucs comme ça, c’est bête. » Ça m’a un peu refroidie.

J’ai délaissé cette fascination pour les mangas au moment où j’ai à nouveau déménagé. Cette fois, j’étais au collège, en 4ème. Plus de mangas, de nouveaux amis, mais là : ils sont tous Maghrébins et Africains. Je me suis sentie comme dans le Sud et ça m’a fait plaisir. J’ai donc repris mes habitudes du Sud, j’ai recommencé à sortir avec les copains. J’avais un loisir que je faisais tout le temps, matin, midi et soir : la danse congolaise ou ivoirienne. Je le faisais depuis toute petite, mais c’était caché. Avec ma nouvelle copine, on dansait partout dans le collège. Au milieu de la cour de récré, dans les couloirs, dans la rue… On avait droit à toutes sortes de critiques et insultes, et je kiffais ça !

Avec mon nouveau mode de vie, je passais donc mon temps à danser, crier, faire peur aux gens parce que ça aussi j’aimais. Je faisais la terreur dans le collège avec ma copine ! Pourtant, on était toutes les deux nouvelles, mais on avait un gabarit à faire peur, parce que la plupart du temps, on me voyait me battre avec les garçons du collège.

Avec tout ce que je faisais, j’ai oublié les mangas pendants cinq ans. Maintenant, me voilà à l’université, à Paris. J’ai installé Netflix sur mon portable par curiosité et je suis allée voir des séries mangas. Au bout de cinq minutes, j’étais toute excitée ! Du coup, depuis, c’est reparti !

Les mangas font partie de moi

J’aime les mangas. Ça me réveille sur les cultures étrangères, comme japonaise ou coréenne, et entre nous, leur langue me fait vraiment rire. Ils disent un mot et dans notre langue, ça va faire une phrase. Les acteurs et les actrices sont souvent super beaux et ils jouent super bien. Ils ont des réactions incroyables, ça me fait tellement rire !

J’aime partager ce que je regarde, mais quand je raconte un petit extrait d’une série à ma cousine, elle me rembarre et me dit : « Eh ! Me saoule pas avec tes vieilles séries. » Des fois, je lui raconte juste une situation et elle dit : « Si c’est tes séries, je ne veux pas savoir. » Ça me fait rire parce que ça l’embête, mais mon autre cousine, elle, est géniale : ça ne l’intéresse pas, mais elle m’écoute. Ça fait plaisir, elle reste positive sur le sujet. Je sais qu’avant, j’aurais arrêté avec les critiques, mais maintenant, j’en rigole, ça me plaît, je ne compte pas arrêter comme ça.

Aujourd’hui, le fait que je regarde des séries mangas ne change rien à ma vie. Je le fais par plaisir et mes proches l’acceptent. Tant que je ne les embête pas avec, tout va bien pour tout le monde. Avant, j’étais plus dans l’adaptation au genre de personne que j’avais en face de moi. J’essayais de m’adapter à l’environnement. Maintenant, je ne me soucis pas de cela. Je fais ma vie comme je la sens, avec ce que j’aime. Ceux qui ne comprennent pas, tant pis pour eux.

J’ai été vers les mangas pour être comme les autres. A l’école, ça m’a aidé à m’intégrer dans ma nouvelle classe. Mais maintenant, ça fait partie de moi. Ça me permet de me sentir différente des autres et j’aime ça.

 

Fatoumata, 19 ans, étudiante, Paris

Crédit GIF Time Manga // Giphy

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1 réaction

  1. En effet, les mangas subissent pas mal de clichés : « gamin », « violent », symbole de l’inculture… Dommage que tant de gens passent à côté ! Des dilemmes philosophiques et très sombres comme Death Note, l’Attaque des Titans ou Full Metal Alchimist… Des problématiques sociales dans A silent Voice… De l’Histoire dans Emma, Cesare ou Per Aspera… Il y a de quoi satisfaire tout le monde. Ça m’énerve les gens qui ne font pas l’effort de revoir leurs préjugés, et qui jugent sans connaître !

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