Joshua G. 11/02/2020

Logement contre services : j’avais pas le choix

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Joshua a travaillé pour une famille en échange d'une chambre chez eux. Mais entre les heures sup et l'absence de contrat, il a préféré partir.

Logement contre services ! Travailler pour être logé ! Échanger sa force de travail et bénéficier en retour d’un endroit où reposer sa tête. Voilà l’une des solutions à laquelle sont réduits certains étudiants, étrangers en grande partie, vivant la précarité et incapables de s’offrir un logement, qu’il soit individuel ou en colocation. Des étudiants comme moi.

À Paris, les prix des chambres sont odieusement élevés. Les sites commerciaux comme PAP affichent des offres entre 300 euros pour une chambre chez l’habitant et 600 euros en moyenne, parfois sans les charges, pour un logement étudiant.

Si la colocation est une solution, elle n’en demeure pas moins onéreuse. Et les résidences étudiantes ne sont pas accessibles à tout le monde. Si les organismes qui s’en occupent se réclament impartiaux, la difficulté de soumission des dossiers et les critères d’attribution sont à éclaircir. Au final, certains étudiants se voient contraints, au risque de se retrouver sans toit, à vendre leur force physique pour quelques heures de sommeil par jour. C’était, encore une fois, mon cas.

10 heures par semaine pour une chambre

Le nombre d’heures de travail pour un logement peut varier. Moi, je bossais entre huit et dix heures par semaine pour le propriétaire. Cela dépendait des tâches assignées. C’était parfois très dur, malgré la bienveillance de bien des propriétaires. En ce qui me concerne, je faisais en grande partie du baby-sitting, de l’aide aux devoirs et le ménage. Même si c’était passionnant, c’était très contraignant parce que je n’avais pas de source de revenus fixe. Cela ne me rendait pas vraiment libre ! Je n’étais pas payé. J’avais juste droit aux repas et au frigo, une chambre et l’accès à toute la maison sans restriction.

Je devais aussi, pour faire bonne figure, participer un peu à la vie de la famille. J’avais un propriétaire qui parlait beaucoup. C’était pénible. Au final, il ne me restait que les nuits pour réviser les cours et faire mes devoirs. Ce rythme est très vite devenu infernal pendant les partiels, et pendant ces dernières semaines de pleine grève.

Très peu régulé par la loi en France, le logement contre services est souvent source de dérives et d’abus par les employeurs. Si jamais vous voulez vous lancer dans l’aventure, cet article explique tout ce qu’il y a à savoir et les structures à contacter !


Au soir d’une journée bien remplie, les sens lâchent et l’attention est réduite. Le corps a besoin de repos. Ça se ressent sur les notes. Pour l’étudiant étranger que je suis et dont la validité du titre de séjour sur le territoire français dépend des résultats en fin d’année, cette situation était motif de stress et de tensions quotidiennes.

Pas de contrat écrit, pas de règles strictes

À 10 heures par semaine, j’aurais préféré un travail rémunéré couvert par un contrat en bonne et due forme dans une entreprise, un restaurant ou une autre boîte d’embauche. Mais le facteur logement primait. Il n’y a pas en France de loi qui régule la pratique du logement contre services. L’accord établi entre le propriétaire et le demandeur résulte le plus souvent d’un contrat oral. J’ai beaucoup discuté avec mon propriétaire qui m’a préféré à d’autres. Le contenu dudit contrat est donc subjectif et dépend des besoins des propriétaires.

Le matin, il fallait accompagner les enfants à l’école et les raccompagner le soir « chez nous ». Je restais avec eux le temps que leurs parents rentrent.  Je les aidais pour les devoirs. Et je cuisinais parfois. Le week-end, il fallait nettoyer la maison, travailler au jardin, ranger ou faire la promenade du chien (ce qui n’était pas dans mon « contrat » de départ). Je dépassais rarement les heures de travail mais ce sont surtout les horaires qui étaient gênants : Il fallait quitter très tôt les cours afin d’être à l’heure pour récupérer les enfants.

J’ai préféré ma liberté

Le logement contre services n’est pas un problème en soi car ça m’a aidé. Cet exode est toutefois très dur et certains y laissent leur peau parce qu’ils sont incapables de jumeler autant d’activités à la fois. On peut, comme de nombreuses personnes, dire que c’est un commerce équitable.

De nombreux étudiants préfèrent travailler à côté de leurs études. Néanmoins, pour certains, même les bourses ne suffisent pas pour vivre. Cette précarité étudiante, Douce nous l’a raconté.

Des lèvres de certains étudiants, résignés, ou ayant longtemps vécu dans ce partenariat qui leur est devenu vital, des éloges et des remerciements fusent. Que veut le peuple ! Cette résignation et ce contentement ne m’agréent pas. J’ai préféré ma liberté, même au prix d’une galère chronique. Je suis resté deux semaines en tout puis je suis parti chez un ami. Cela n’a pas plu à ma famille d’accueil, vu que je m’étais engagé auprès des enfants et qu’ils m’appréciaient déjà.

Quelques proches ont qualifié ma décision de stupide et d’irréfléchie. Pour avoir failli me retrouver dans la rue. Ma situation n’est pas plus rose aujourd’hui : je suis toujours chez mon ami. J’ai trouvé du travail et j’espère qu’avec ce que je gagne, je pourrais me prendre un logement personnel. En tout cas, si la précarité de la vie étudiante est un sujet récurrent, le logement contre services est une de ses conséquences moins connue.

Joshua, 26 ans, étudiant, Ermont-Eaubonne

Crédit photo Pexels // CC Lisa Fotios

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  1. Il y a presque 45 ans, j’avais 19 ans. On était en 1975. Quelques mois plus tôt, la majorité était passée de 21 à 18 ans. Je pouvais donc quitter mes parents avec lesquels je ne m’entendais pas sans avoir de problème avec la police. J’avais fait des économies bon an mal an mais bien trop peu pour vivre de façon indépendante et je faisais des études que je comptais bien continuer le plus loin possible, la vie intellectuelle, c’était mon truc. C’est dans ces conditions que j’ai trouvé une association qui recensait les chambres de bonne en échange de travaux, pour moi des cours à donner chaque jour au fils des propriétaires âgé de 12 ans. Au prix de l’heure de cours, le loyer coûtait cher pour un lit avec un matelas qui traînait parterre, sans chauffage ni eau chaude. Je n’ai pas tenu plus de 4 mois et j’ai repris un travail de caissière dans un grand magasin 3 jours/semaine. Je lisais Hegel entre deux clients. J’ai bien fait des études, longtemps mais toujours cahin-caha d’une façon insatisfaisante, en jonglant maladroitement entre les deux. Et cela pourquoi? Parce que je souhaitais faire des études. Bonne élève et intéressée par la « vie de l’esprit », entourée par des professeurs qui ne me voyaient pas faire autre chose et une mère qui pensait qu’il était nécessaire mais suffisant d’avoir des diplômes pour se réaliser professionnellement. Bref, si j’avais les compétences, je n’avais pas le capital social. Les études, ça a un coût et si on n’est pas de la bonne classe sociale, on ne peut pas les payer. Et quand on « tient » quand même et qu’on a des diplômes, on n’a toujours pas le carnet d’adresse ni le « réseau » qu’il faut. Les inégalités sociales, ça existe. Ce n’est pas parce qu’aujourd’hui tout le monde a le bac et fait des études supérieures que le fond du problème a changé. Il reste le même. Il vaut mieux un bon carnet d’adresse qu’un diplôme, aussi prestigieux soit-il. C’est aux pauvres que l’on fait croire que la compétence a un prix. C’est l’inverse: la compétence, ce sont les petites mains qui l’ont et les compétences, ça ne vaut rien. Ce qi est rémunéré, c’est le pouvoir. Voyez ce qu’il en est de tou.te.s celles et ceux qui ont des boulots absolument nécessaires pour la société, comme les infirmières. Et surtout n’allez pas croire que mieux vaut un travail intéressant et mal payé que l’inverse. Les jobs bien payés sont aussi les plus intéressants. Presque un demi-siècle après mon expérience, la situation est la même. Pourquoi aurait-elle changé? Y a-t-il eu une révolution depuis 1975?

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